Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.
Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
2009.
Le samedi 5 avril 1969 , je suis à mon bureau sans aucune envie d’aller voir le Président Diori qui , la veille , au moment de nous séparer à Londres , m’avait dit le voir que j’ai un genou foulé , en descendant quatre à quatre les marches du Savoy .
Tout à coup , vers 11 heures , Pariente , de l’United Press , au bout de cinq minutes , il me vend la mèche et me dit qu’il y a une dépêche dans laquelle on dit que (voir document n° ci-joint ) Diori s’occupe d’achat et de vente d’armes .
La dépêche me fait dresser l’oreille parce que , une dizaine de jours auparavant , l’avais reçu une information que j’avais transmise en même temps et à Houphouët et à Diori , et dans laquelle certains milieux français accusaient Diori non seulement de se livrer à un trafic d’armes , mais d’en tirer un profit un personnel . Cette dépêche venant du Biafra confirmait cette calomnie et , de toute évidance , avait la même source .
Je téléphone donc à Diori pour lui annoncer la dépêche . Il me demande de venir le voir immédiatement . Je retéléphone à Pariente , lui demande de m’apporter la dépêche en question , la prends et file vers l’ambassade où Diori me reçoit , quelques minutes après en avoir fini avec son commissaire général au Plan , Abdoulaye Diallo . Je lui montre la dépêche , et lui me dit :
" Ce n’est pas tout . On m’accuse à gauche et à droit maintenant d’avoir fait des déclarations intempestives à Londres , d’avoir pris position contre le général de Goulle , etc. Je suis pour l’unité du Nigeria ,je suis pour la solution des problèmes africains par les Africains , et on ne va pas me faire changer d’opinion là-dessus . "
On discute pendant une bonne demi-heure .
Au moment de m’en aller , je rencontre le docteur Borrey qui venait voir lui aussi le Président et qui me dit :
Je l’attends . Cinq minutes après , il sort et me dit : pourquoi est-ce que tu boitilles ? Faits voir ton genou . Nous allons chez le pharmacien , il discuté , il me bande le genou - la bande dès que je me mettrai à marcher (2) - et pendant ce temps-là , il me dit , entre autres :
" A l’Elysée , on trouve que Diori exagère. Il joue un peut au leader , ceci peut offusquer Félix . Il est mal entouré . . ."
Je lui réponds ;
" Ecoutez , docteur , j’ai été avec lui à Londres et je lui ai souvent servi d’interprète . Il n’a jamais exagéré et a toujours fait preuve d’une très grande modeste , en dépit dès des Londres dont la presse anglaise , pourtant connue pour sa causticité , le couvrait ; Et dans toutes ses déclarations , il se référait toujours à son ami Houphouët-Boigny ".
Et j’ajoutais :
" Il faudrait surtout , docteur , que vous disiez à l’Elysée , ou plutôt à ceux qui croient pouvoir parler au nom de l’Elysée , de cesser leurs tentatives de diviser , d’essayer d’opposer les deux hommes . Ce n’est ni dans l’intérêt de la France , ni dans celui de la Côte d’Ivoire , ni dans celui du Niger ".
Borrey me répondait :
" Evidemment , tant qu’il y a des Journiacs autour de Foccart , et bien ! Foccart ne sera jamais bien renseigné , ou du moins objectivement ".
Cette conversation avec Borrey me mettait la puce à l’oreille , et l’après-midi même , à quatre heures trente , je téléphonais à Houphoët et lui demandais de me recevoir immédiatement . Après avoir le soir même , à 7 heures 1/2 , c’est-à-dire après son entrevue avec Diori , car Diori m’avait dit qu’il allait voir Houphouët à 5 heures . En arrivant chez le Président Houphouët , à Marne la Coquette , je lui dit que mon but est de lui faire une relation du voyage du Président Diori à Londres . Il me réponds que ce n’est pas nécessaire , car , me dit -il , Diori vient de partir d’ici et il m’a dit ce qui s’était passé . Je lui réponds que Diori , par modestie , n’avait dû certainement pas lui dire tout , et que je le pouvais faire en tant que spectateur une relation beaucoup plus objective du voyage , et je lui lis le document qu’on trouvera en annexe n°2.
Houphouët me dit :
Houphouët ajoute :
" Vous comprenez , Fouccat , réellement navré de cet article , est venu me voir me dire que cela tombait sous les yeux du général de Gaulle , celui-ci pourrait s’en offenser . Il m’a promis qu’il ne lui pas certain que d’autres ne le feront pas . Il faudrait que le Président Diori soit beaucoup plus réservé et ne fasse pas ce genre de déclaration ."
Et Houphouët - ajouter :
" Moi-même , je suis très très prudent . En Allemagne , quand il m’ont posé le problème de l’entrée de la Grande -Bretagne dans le Marché Commun , je leur ai répondu : ça , ce n’est pas notre affaire à nous , Africains . Ca , c’est un problème à régler entre vous , Européens ."
"En effet " , a ajouté le Président Houphouët , " il faut bien se mettre dans la tête qu’un jour ou l’autre les Européens finiront par s’entendre , sur ce plan comme sur tous les autres , et il ne faut pas qu’à ce moment -là ils s’entendent sur notre dos et que nous y laissions , nous , des plumes . Leurs affinités économiques , politiques , culturelles , raciales , sont telles qu’ils sont condamnés à s’entendre tôt ou tard , il ne faudrait pas qu’à ce moment nous soyons , nous , pris au dépourvus . Vous voyez , moi , je vous ai dit ; je ne veux plus de journalistes visiter la Côte d’Ivoire , cela a servi à renforcer ma position à l’intérieur du pays . Mais cette période est révolue . Moi , à l’heure actuelle , j’ai une base , et c’est de cette base , qui se trouve dans mon pays , en Côte d’Ivoire, que je puis parler librement . Maintenant , les journalistes , en publiant des articles , en faussant plus ou moins , ou en comprenant mal mes déclarations , pourraient me faire du fort à l’extérieur . Pour moi , à l’heure actuelle , la situation économique de mon pays est mon meilleur tremplin".
Houphouët ne partage pas mes alarmes sur des tentatives pour essayer de l’opposer à Diori . Son argumentation est la suivante :
Quand je lui fais valoir qu’à cet échelon supérieur une telle tentative serait absurde , mais qu’on peut très bien , à des échelon inférieur où grouille nombre de gend qui n’ont pas la même conception des buts nationaux et mondialises du général du Gaulle , ces gens-là peuvent essayer d’empoisonner l’atmosphère ., Houphouët répond :
du mauvais sang pour que disent des gens sans importance . Tant que de Gaulle n’a pas décidé , tant que Foccart ne partage pas ces points de vue , ils n’ont absolument aucune importance ."
La discussion se prolonge fort longtemps , puis nous passons à d’autres problèmes , comme celui de la constitution de la MEECI au moment même où Senghor a les pires difficultés avec ses propres étudiantes , son voyage projeté en Hollande , ou les enquêtes concerne ce dernier point , il me dit qu’il va demander à Diawara et à Bédié les résultats de ces enquêtes et qu’il va me les donner .
Au moment de partir , il me demande de passer immédiatement chez le Président Diori qui veut me voir . Je prends le taxi qui m’attendais à la sortie , et me dirige vers le domicile du Président Diori , à la rue Schaeffer . Il est près de 9 h -1/4 quand je sonne chez lui , il était à table . Il me reçoit immédiatement . Il sort de table pour me recevoir , me montre la traduction , et il est vraiment meurtri . Il me dit :
Je lui réponds que fort probablement , ceci fait partie de l’action entreprise contre lui depuis plusieurs mois , action qui , par delà le problème du blé canadien , etc ., aboutit à l’heure actuelle à cette nouvelle phase pas laquelle on essaye , comme jadis , de le réduire à la défensive par ces harcèlements , de l’empêcher de faire
preuve de dynamisme , de l’amener à prendre peur de prendre des initiatives , etc. Il en convient fort bien , me dit que , ceux qui à Paris tablent là-dessus , se fort , et va jusqu’à me dire :
Ce matin dimanche 6 , j’arrive au bureau , puis je commence la traduction , en annotant les différences qui sont des erreurs grossières , impardonnables pour un traducteur officiel (voir document n°5) . Je fais la traduction , j’y joins des notes et des observations , et aussi je retraduis l’extrait d’un article du 3 avril du Financial Times , c’est-à - die durant le séjour du Président Diori à Londres , et dans lequel on l’accusait d’être trop ami avec Houphouët avec la France . J’amène le tout au Président Diori , qui me reçoit , toujours aussi
meurtri , toujours aussi fâché . Il me dit :
" Il ne vont même pas me laisser voir de Gaulle , puisque Foccart me dit qu’il viendra me voir mardi dans l’après-midi , et comme je pars mercredi , donc je ne pourrai pas voir de Gaulle . Heureusement qu’à mon arrivée j’avais pris la précaution de dire que je ne verrai de Gaulle que si son calendrier le lui permettait , ce qui fait je ne vais pas perdre la face ."
Je dis au Président Diori qu’il doit absolument voir le général de Gaulle , qu’il doit au besoin exiger une entrevue , pour brouiller le jeu de ceux qui cherchent à empoissonner l’atmosphère entre l’Elysée et lui . Au bout de quelques minutes de discussion , le président Diori dit qu’il faudrait qu’effectivement il voit de Gaulle , rien que pour éclaircir cette histoire d’achat et de vente d’armes car il est ridicule de croire que Wilson a besoin de ses services pour donner des armes aux Nigérians .
Je descends de là pour aller voir le dr. Borrey , au 26 de la rue de la Faisanderie , car il m’avait téléphoné le matin à 9 h 1/2 pour me demander d ’aller le voir sans faute . Je vais le voir , et lui répète exactement ce que je lui ai dit la veille : comment se fait-il que les gens à l’Elysée puissent se laisser intoxiquer , et je le convaincs , peule à l’appui , que la traduction qu’on a donné à Foccart est une traduction erronée .
De retour au Bureau , je téléphone à Gilbert Compte , qui devait aller voir Diori dans l’après-midi , pour lui raconter ce qui se passe , et surtout m’étonner que l’Elysée puisse soumettre une traduction fausse à l’attention d’un chef d’Etat comme Houphouët . Gilbert n’est pas du tout étonné , au contraire , il me dit que c’est une des astuces de bas étage très souvent utilisée par les gens qui gravitent autour de l’Elysée , et qu’au fond , tout aurait marché sans accrocs si je ne m’étais pas mêlé de ce qui ne me regardait pas , si je n’avais pas proposé de refaire la traduction , une contre - expertise dans une affaire aussi grave . Gilbert , lui, ne le croit pas .
La suite des événements devait montrer que Gilbert avais raison . En effet , lundi , après le départ d’Houphouët pour Genève à midi , je vais voir de nouveau Diori que me dit :
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