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N-24-042-001 - NOTES - Classeur N - Fonds d'archives Baulin

N-24-042-001

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  • Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.

  • Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
    seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
    2009.















Perspectives nigériennes
SPECIAL

Janvier 1972


Echos de la visite du Président de la République Française


LALE MAR’HABA LALE PRESIDENT POMPIDOU

Ce titre barrait toute la première page du "Temps du Niger" le 24 janvier, jour de l’arrivée au Niger du chef de l’Etat français. Il signifie, en langue vernaculaire, en haoussa : "Soyez le bienvenu, Président Pompidou". Il ne s’agissait pas là d’une formule creuse ou d’une simple extension de ce magnifique sens de l’hospitalité qui fait dire, tout naturellement, aux Nigériens : "L’étranger est roi". Il y avait plus, beaucoup plus dans l’accueil chaleureux réservé aux deux illustres hôtes du Niger. Le Niger accueillait des amis ; on pouvait lire en effet sur une banderole la traduction d’un adage local : "le pied ne va pas où le coeur ne veut pas aller". C’est ce qui a amené certains des représentants de la presse étrangère à relever le caractère spontané, bon enfant, populaire ou folklorique de la réception, alors que d’autres s’étonnaient de la quasi-inexistence d’un service d’ordre, etc.
Bien entendu, les journalistes qui accompagnaient le président de la République française ont beaucoup insité, dans leurs commentaires, sur les problèmes économiques et politiques discutés par les deux chefs d’Etats.
Tous les envoyés spéciaux des agences de presse et des journaux étrangers ont fair preuve, dans leurs écrits, d’une profonde compréhension envers le Niger. On aurait dit qu’ils essayaient de profiter de l’actualité pour exprimer leur sympathie à un peuple courageux luttant dans des conditions très dures.
Les extraits de la presse que nous publions, sans aucun commentaires, ci-dessous, et en respectant l’odre alphabétique, ne pourront malheureusement que donner une vue fragmentaire de cette somme de sympathie réconfortante.


Agence France-Presse

de Jean Thoraval et Mario Florito

La capitale du Niger a réservé, aujourd’hui, un accueil chaleureux au président et à Mme Pompidou. Plus de trois cents mille personnes, selon les estimations officielles - pour une ville qui compte d’ordinaire environ cent mille âmes -, ont formé une haie pratiquement ininterrompue que les deux présidents ebouts dans une grosse limousine blanche découverte ont salué de la main pendant près d’une heure.
Il fallut plus d’une heure aux deux chefs d’Etat pour parcourir les dix kilomètres du trajet.
Réservés, comme le sont souvent les hommes du Sahel, ce furent d’abord plus de cinq mille cavaliers, Djermas, Kanouris, Haoussas, Maris, disposés en deux files de chaque côté de la route, qui furent, dans un silence seulement percé par les tambours et les trompes, les premiers à saluer les deux couples présidentiels.
Aux portes de la ville, contrastant avec ce calme, ce fut l’enthousiasme coloré, tonitruant, s’accompagnant du tam-tam de dizaines de milliers de personnes massées parfois sur quinze rangs, et, ici ou là, aggripées dans les arbres. Parmi celles-ci, beaucoup d’enfants et de lycéens qui, contrairement à certain mot d’ordre, loin de faire "le grève", agitaient en cadence leurs petits drapeaux nigériens et français.
Feu d’artifice final : l’apparition, à un kilomètre du palais présidentiel, de milliers d’"hommes bleus", les Touaregs du désert juchés sur leurs chameaux."


L’Aurore

de Christian d’Epenoux :

M. et Mme Pompidou, poliment, mais fermement, ont refusé le lait de chamelle que leur offrait le chef touareg. Cette offrande traditionnelle qui est un des plus vieux gestes d’hospitalité et un des plus grands honneurs puissent faire les tribus du désert à un étranger, a été l’un des moments les plus émouvants de l’extraordinaire défilé offert cet après-midi par M. Diori Hamani à ses invités français.
Pendant plus d’une heure, sous un soleil brûlant, le jeune Etat nigérien et la vieille Afrique tribale ont présenté leurs enfants, leurs femmes et leurs guerriers au président de l’ancienne puissance tutélaire, M. Pompidou aura apprécié l’hommage à sa juste valeur : en onze d’Indépendance, seul le défilé offert en 1965 au "combattant suprême" Habib Bourguiba peut prétendre avoir approché en splendeur le spectacle d’aujourd’hui...
...Et puis on est entré brusquement dans la légende. Avec le bruit d’une pluie d’orage sur un toit de tôle, des milliers et des milliers de cavaliers et de guerriers ont déferlé sur l’asphalte, plus droits, plus élégants, plus fiers et splendides les uns que les autres.
De cet exceptionnel festival de couleurs, les spectateurs auront eu du mal à sélectionner les plus belles images.
Précédant la cour personnelle de chaque dignitaire, un héraut ouvrait la marche, gesticulant et haranguant le public pour lui vanter en termes lyriques la noblesse, la sagesse et la puissance incomparables de son chef. Les princes passaient alors, dignes et compassés, accordant à peine un coup d’oeil aux présidents des deux pays, que certains de ces vieux féodaux considèrent ni plus ni moins comme des égaux...
Ce que bien peu de spectateurs, sans doute, n’avaient encore vu, c’est ministre des Finances juché sur un chameau, à la tête des hommes de sa tribu. Cette exhibition rariassime figurait pourtant au programme : à la fin du défilé, on vit ainsi M. Moudour Zakara, le grand argentier nigérien en personne, s’avancer sur son méhari dans la tenue traditionnelle des tribus touaregs dont il est issu.
Ce sont ses compagnons, venus en délégation de Filingue, au nord de Niamey, qui devaient offrir le lait de chamelle aux deux couples présidentiels. On amena devant la tribune une chamelle entourée de ses petits, puis un berger se mit à la traire et receuillir le lait dans une calebasse de cérémonie.
Aux mouvements divers et aux conciliabules qui suivirent, on devina que l’idée de cette dégustation ne provoquait pas un enthousiasme excessif chez M. Pompidou. On pensait que, sans boire la coupe jusqu’à la lie, il en approcherait peut-être ses lèvres. Il n’en fut rien.
Alors, pour éviter que la plus vieille offrande du désert ne soit tout à fait déclinée, Mme Diori Hamani élégamment, y trempa les siennes.
Avec le Niger, la France n’a pratiquement pas de contentieux. Le président Diori Hamani, au pouvoir depuis treize ans, est un interlocuteur "valable", très écouté en Afrique, et qui a eu le grand mérite d’éviter à son pays l’instabilité politique qui est la règle chez la plupart de ses voisins. Si la France occupe toujours une position privilégiée au Niger, le pays s’est largement ouvert aux aides et aux influences extérieures : Canada et Allemagne Fédérale en tout premier lieu. Cette politique de "diversification" a conduit le Niger à adopter, en plusieurs occasions (Biafra, problème du Québec, par exemple), des positions radicalement différentes de celles de la France. A Paris, on assure ne pas s’en être formalisé, en insistant sur la totale liberté d’action dont jouissent les chefs d’Etat de l’Afrique francophone, qui ne doit nullement être considérée comme un "chasse gardée" de la France."


Combat

d’Etienne Mallarde :

M. Georges Pompidou est accueilli aujourd’hui à Niamey par l’un des dirigeants les plus dignes de respect et d’amitié de l’Afrique contemporaine, M. Diori Hamani, qui a su engager son pays dans une étroite coopération avec la France, tout en revendiquant sans tapage, mais avec efficacité, le droite d’affirmer son désaccord aux moments les plus difficiles ou de rechercher chez d’autres les appuis et les moyens que lui refusaient les gardiens myopes et avaricieux d’une politique de "chasse gardée" dépassée. Cette quête inlassable de la véritable souveraineté a été ignorée par les contestataires de nos sociétés "nanties", parce qu’elle se développait sans logomachie, ni coups de force à la Pyrrhus. Elle est en revanche saluée par ceux qui connaissent le tragique dénuement du Niger et les conditions de survie, à peu de choses près lunaires, de son économie....
...Une métropole qui avait laissé en friche la plupart des potentialités économiques d’un territoire aussi fertile que la Côte-d’Ivoire, ne pouvait qu’ignorer davantage la vallée poussiéreuse du Niger et les pics désolés de l’Air.
LE DEFI DU DESERT
Le pays de M. Hamani Diori ne dispose que de 15 millions d’hectares cultivables quand la sécheresse n’en transforme pas les trois quarts en désert....Parler de "sous-développement" dans ces conditions relève de la litote. Quelques usines sont apparues - cimenterie, huileries, abattoirs frigorifiques, une unité textile aux métiers démodés - et si leur rentabilité n’est pas très assurée, elles permettent du moins de distribuer des salaires et ont instruit les dirigeants de Niamey sur les pratiques des pirates qui pillent deux fois l’Afrique au nom de l’industrialisation

du "Tiers Monde", une première fois en lui vendant des matériels d’autant plus hors de prix qu’ils sont bons pour la ferraille, une seconde fois, en suggérant hypocritement la constitution de sociétés d’économie mixte qui supprime tout risque capitaliste. C’est ainsi que se constituent quelques économies pour acheter le Bon Marché !
Si le Niger est resté une zone de paix et de stabilité, cela n’a évidemment pas tenu à ces braves gens, mais très largement à la personnalité d’Hamani Diori.
..A cette époque, Hamani Diori était également président de l’Organisation Commune Africaine et Malgache, qui rassemble les Etats africains les plus étroitement liés à la France. Placé là en 1967 à cause de ses qualités de négociateur - on était à la veille de la convention de Yaoundé - le chef d’Etat nigérien allait se trouver opposé à la politique du général de Gaulle sur trois points, le Nigéria, le Québec et, très secondairement, l’entrée de la Grande-Bretagne dans le "Marché Commun". Il ne cacha pas son opposition et ne ménagea aucun effort pour que la fédération du Canada se voie reconnaître sa place légitime dans l’organisation de la francophonie, aucun effort pour rétablir un dialogue entre les frères ennemis du Nigéria et, quand cela se révéla impossible, pour encourager sans relâche le général Gowon à se séparer de ses "faucons" et à jouer au maximum la carte de la clémence.
Un autre ne se serait peut-être pas remis de cette triple opposition à de Gaulle, envenimée par les trulupinades d’un ambassadeur irresponsable et par certains rapports mensongers de "l’entourage". Hamani Diori retira au contraire un surcroît d’estime de sa lucidité et de son tranquille courage...
...Et à Paris, on fut finalement heureux d’avoir dans son camp un homme qui avait l’oreille des adversaires d’hier. La France ne pouvait en effet reprocher au Niger que d’avoir eu raison trop tôt.
Cependant le problème de l’uranium va se trouver probablement au centre des entretiens Diori-Pompidou. Le Niger est devenu le troisième producteur mondial de ce minerai, après le Canada et les U.S.A., mais avant l’Australie dans l’état actuel de l’exploitation. La mine d’Arlit produira 750 tonnes d’uranium. Mais le gouvernement de Niamey voudrait bien qu’on n’en reste pas là et rappelle que la Somair (Société des mines de l’Air), qui a la concession d’Arlit, s’était engagée en 1967 à atteindre 1500 tonnes en 1974.
Le Commissariat français à l’énergie atomique (C.E.A.), répond que le marché est engorgé au point que le prix du kilo d’uranium est tombé à 6 dollars, alors qu’on espérait 8 en 1967. Les Nigériens ne nient pas la véracité des données conjoncturelles évoquées par le CEA pour conserver la production "sûre" située à l’intérieur de la zone franc, et qui peut suffire amplement à sa consommation, mais qu’ils lui offrent encore un atout appréciable si l’on assiste, comme il est probable en ces temps de cris pétrolière, à une relance vigoureuse de la politique nucléaire dans le cadre de l’Europe des "dix".
Il ne faut pas s’attendre que le président Diori menace son hôte de faire appel à d’autres puissances au cas où le CEA maintiendrait son intention de "geler" la mine. Il insistera en revanche pour que la France, en échange de sa chasse gardée uranifère, augmente quelque peu son aide générale au Niger qui en a bien besoin après deux années de sécheresse catastrophique."
La pauvreté est manifeste jusque dans les quartiers dits "résidentiels", même si la dignité naturelle des Sahéliens fait que l’impression est souvent moins pénible que dans certaines cités prospères de la côte. Mais la frugalité a des limites et, l’on mesure que les perspectives de développement industriel dans un pays comme le Niger n’iront pas au-delà de la création de quelques milliers d’emplois, si l’on sait que les "retombées" de l’exploitation de l’uranium se limiteront pendant longtemps à diminuer le déficit de la balance commerciale, la seule possibilité qui s’offre reste le développement agricole, c’est-à-dire la mise en oeuvre d’une véritable politique d’irrigation. Encore faut-il que les pays industrialisés l’admettent et acceptent de fournir les dons nécessaires à la construction des barrages et à l’aménagement des fleuves, dons qui serviraient d’ailleurs pour l’essentiel à payer leurs propres entreprises et leurs propres fournitures...
Si les riverains du fleuve Sénégal ont bon espoir d’arriver au but avant la fin de l’actuelle décennie, personne ne semble vraiment décidé à financer le barrage qui permettrait au Niger d’envisager l’avenir sans trop d’angoisse.
Lors de la Conférence de Lima, les pays "en voie de développement" étaient convenus entre eux que certains revendiquaient à juste titre d’être aidés plus que d’autres, à cause de leur éloignement de la mer, d’un environnement naturel particulièrement ingrat ou d’une dépendance trop grande à l’égard des fluctuations d’une seule production. Le Niger réunit ces trois conditions et si l’on veut bien admettre que toute année de stagnation ou de régression est fatale pour un pays très pauvre qui a 100000 bouches supplémentaires à nourrir par an, si on veut vraiment l’aider à s’en sortir, l’aide doit prendre concrètement la forme d’un plan d’irrigation et non pas simplement d’une coopération qui se borne à maintenir la tête du noyé hors de l’eau.
Le cas du Niger est exemplaire, car on ne peut lui refuser les crédits nécessaires en invoquant l’instabilité politique ou les "dépenses somptuaires" dont certains prennent souvent et abusivement prétexte pour mesurer parcimonieusement leur aide. Le Niger est un lot paix et de fraternité en Afrique et, en fait de gabegie, on crie au scandale à Niamey quand un élu ou un membre du gouvernement quitte sa maison de pisé pour s’installer dans une villa style pavillon de banlieue !"
Hier, une autre idée a été lancée du côté nigérien : que la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) soit moins un organisme monétaire et davantage un organisme de crédit.
C’est ainsi que l’on souhaiterait, par exemple, que la BCEAO soit habilité à réescompter les bons du Trésor. D’une manière plus générale, elle pourrait être aussi un facteur de développement dans la mesure où elle pourrait accorder des prêts à court terme...
Les deux présidents ont également parlé de la télévision scolaire du Niger, pays qui s’est lancé il y a maintenant cinq ans dans une expérience unique au monde. Les résultats obtenus ont été suivis par les spécialistes de nombreux pays. Les deux chefs d’Etat, de leur côté, sont tombés d’accord sur l’intérêt de l’expérience et la nécessité de l’amplifier.
Mais il serait ridicule que le Niger, après avoir été le théâtre d’expérimentation des méthodes d’enseignement audiovisuel les plus modernes, soit aujourd’hui pénalisé, alors que la Côte-d’Ivoire a trouvé les crédits nécessaires pour lancer en grand la "télévision scolaire"."


Le Journal la Croix

de Christian Castéran :

Le plus souvent drapé dans son impeccable boubou blanc, le président Diori Hamani communique, comme nul autre, une impression de force tranquille et de solidité rustique. Le regard s’abrite derrière des lunettes fumées, comme si le personnage cherchait à se préserver un temps de réflexion vis-à-vis de son interlocuteur. Mais cette réserve est toujours accompagnée d’un sourire cordial et bienveillant. Le président nigérien n’est pas loquace.
Depuis douze ans, il n’a cessé de jouer un rôle prépondérant dans les relations interafricaines. Que ce soit dans le conflit du Biafra ou celui du Tchad, on se tourne vers lui lorsque l’on cherche un médiateur. Par sa politique étrangère souple et discrète il a donné à son pays une place que celui-ci n’aurait sans doute pas eue sans lui. Président du Conseil de l’Entente, il a été également président de l’OCAM. Il a joué un rôle de tout premier plan dans l’organisation de la francophonie, lors des deux conférences de Niamey de 1969 et 1970.
Comme on pouvait s’y attendre, le voyage de M. Pompidou à Niamey est l’occasion d’une utile réflexion sur les rapports entre pays riches et pays en voie de développement."Le fossé se creuse entre les pays riches et ceux du tiers monde, a dit le président de la République, c’est injustice". Ce fait est évident. En le dénonçant, le président de la République a remis à sa juste place tous les programmes de coopération, d’aide et de dons qu’accordent les pays industrialisés aux nations du tiers-monde. Ces programmes sont nécessaires, mais non pas suffisants. Ils ne sont le plus souvent qu’une goutte d’eau qui permet au pays riches de se donner bonne conscience.
Aussi, le président de la République, pour remédier à cette impuissance et faire en sorte que l’équilibre se renverse au profit des nations du tiers-monde, se propose d’oeuvrer afin que soient modifiées les lois mêmes qui régissent le marché international : "Les pays qui sont riches, a-t-il dit, se doivent de payer d’une façon convenable les productions des pays qui sont pauvres."
Il s’agit donc là, dans l’esprit du président de la République, d’une large prise de conscience des nations riches à l’échelon mondial.
C’est donc d’une vaste concertation dont il s’agit, et qui, pour une fois, s’attaque à la racine du mal. Mais il ne s’agit encore que d’une idée généreuse, exprimée dans l’euphorie d’un voyage officiel, qui plus est en Afrique noire.
La semaine dernière, un hebdomadaire spécialisé dans les problèmes africains, Jeune Afrique, s’interrogeait : "Au cours de son premier périple africain, le président Pompidou avait promis monts et merveilles. Un an après, il se rend de nouveau en Afrique. Entre temps, il ne s’est rien passé. A qui la faute ?"."

de Pierre Limagne :
La visite du chef de l’Etat français a été ponctuée par une grève des lycéens et, comme lors des étapes de la précédente tournée africaine, effectuée par M. Pompidou, l’"opposition" a trouvé l’occasion bonne de se manifester et est entrée en contact avec les journalistes au travail...
En réalité, cette grève des lycéens a surtout pour instigateurs des étudiants en sciences, mécontents des mauvaises conditions d’installation de leur embryon d’Université.
Les tracts subversifs parvenus jusqu’à nous grâce à des cheminements précautionneux m’ont paru peu pertinents quoique certains griefs formulés apparaissent fondés.
Les plus impressionnés par une telle littérature semblent être les coopérants venus par générosité, qui ont honte d’être confondus avec des Français ou autres Européens dont le désir est de s’enrichier vite, non sans se comporter comme avant la décolonisation.
Pour ce qui est "du désintéressement" dans le service public, celui des gens en place depuis longtemps et des moins jeunes, le Niger semble se situer au niveau de la moyenne, d’une assez bonne moyenne, serait-on tenté de dire...
On a eu un peu tendance à présenter le Niger comme la "première colonie canadienne". C’est assez ridicule. Pour des raisons de politique intérieure, le Canada était tenu de ne pas envoyer tous ses crédits d’aide au tiers-monde dans les territoires de l’ancien Empire britannique. Ottawa a donc décidé de s’intéresser notamment au Niger."
Entre deux sorties officielles, notre président a l’occasion de contacts nombreux avec des Nigériens, avec des Français du pays et il se fait renseigner mieux que par dossiers sur les problèmes locaux à la solution desquels nous pouvons aider les intéressés, s’ils le désirent."
Un journaliste parlementaire précédant à Niamey le président Pompidou ne se sent pas dépaysé.
il se souvient d’avoir vu (cela n’est pas tellement ancien), les travaux de notre Assemblée nationale dirigés avec autorité par un de ses vice-présidents, M Diori Hamani, l’homme qui a fait le plus pour créer un Etat, dans ce Niger né des découpages artificiels de la colonisation.
Les organes traversant le ciel du continent noir ont failli atteindre plusieurs fois Niamey...
On peut considérer maintenant le Niger comme une oasis de tranquillité, si on compare son histoire récente à celle des pays au milieu desquels il se trouvé enclavé.
Une fois au pouvoir, malgré les remous auxquels le régime était soumis, Diori gouverna son pays avec habileté, non sans abuser un peu d’une santé robuste qu’il considère presque comme son meilleur capital, ni travailler beaucoup : il essaya d’associer aux responsabilités mêmes les populations nomades et ces fameux "hommes bleus" réputés si indépendants.

"La montée de son prestige à l’intérieur, maintenant confirmé, est allée de pair avec celle de son prestige au plan africain. C’est, à 56 ans, un des sages du continent, qui, pourtant, a su garder plus que d’autres le contact avec des gens comme le chef guinéen Sékou Touré. Représentant d’un pays si pauvre, si éloigné des ports de mer, comptant à peine 4 millions d’habitants, il a joué un rôle déterminant dans les contacts avec la Communauté européenne.
Sa plus récente intervention au dehors, dont nous aurons l’occasion de reparler prochainement, est celle des bons offices entre le Tchad et la Lybie.
En rappelant la chute des cours de l’arachide comme la guerre civile nigériane (elle a empêché de vendre des bêtes à cornes aux Ibos, principaux consommateurs de viande), nous permettrons de mesurer la détresse qu’a pu connaître le Niger malgré les qualités personnelles de l’homme arrivé à sa tête et le courage de sa population.
Déficit budgétaire chronique ; balance commerciale en déséquilibre permanent : ainsi aurait-on pu, si l’on était malveillant, présenter la gestion du président Diori Hamani.
Or, au milieu de difficultés faciles à imaginer, le gouvernement nigérien a fait presque des miracles. Depuis l’indépendance, le taux de scolarisation est passé de 2 à 15%...
Tout en se montrant très loyal envers l’allié et l’ami français, le Niger a noué des relations précieuses non seulement avec les grands pays industriels d’Occident et d’Orient, notamment les Etats-Unis, le Canada.
Mais sa chance a été la découverte de minerai d’uranium dans la partie du territoire que naguère on aurait facilement appelée "inutile"....
La chance du pays ayant été la découverte sur son immense territoire de gisements d’uranium, le mieux serait, s’il était riche, de thésauriser ce capital, soit sur place, soit dans des magasins après extraction et concentration, puisque l’uranium est peu demandé aujourd’hui et sera très recherché demain. Mais précisément, le Niger est pauvre et a des besoins immenses pour l’immédiat."


The Daily Telegraph

d’Anthony Mann
Le Canada, l’Allemagne et d’autres pays ont des projets d’aide, mais le problème majeur du président nigérien est de rentabiliser l’exploitation de l’uranium et de divers autres minerais, et d’établir des liaisons fluviales avec Port-Harcourt au Nigeria anglophone avec lequel il entretient au demeurant d’excellentes relations.
Il est indubitable que l’optique du Président Pompidou sur le plan des relations de la France avec ses colonies d’antan diffère de celle du général de Gaulle. M. Pompidou non seulement admet la possibilité d’un changement, mais croit qu’il devrait être encouragé...
Durant ses discussions d’hier avec le Président Georges Pompidou, le président Diori a insisté sur la nécessité d’une étroite collaboration entre les anciens territoires français et anglais, conséquence de l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché Commun.
Il existe des raisons de croire que le président Pompidou ne fera pas la sourde oreille à de telles suggestions..."


Les Dépêches
Grand quotidien régional du centre-est

de François Gervais :

Au moment où, avec l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun, c’est bientôt la majeure partie des pays appartenant au continent africain qui se trouveront liés à l’Europe, les entretiens politiques qui se sont déroulés, à Niamey, entre le "sage" président d’un des pays les plus pauvres du continent africain et M. Georges Pompidou accueilli ici comme le "continuateur" de l’oeuvre du général de Gaulle, devront permettre, sans nul doute, à la coopération française en Afrique de retrouver son second souffle.
Les conversations entre les deux chefs d’Etat ont, en effet, largement débordé l’examen des problèmes bilatéraux pour des perspectives plus ambitieuses...
Mis à part le lancinant problème de l’adaptation de l’aide économique, les deux chefs d’Etat ont également évoqué les problèmes de politique étrangère, en particulier celui des rapports entre le Tchad et la Lybie.
Les questions bilatérales ont également été étudiées, notamment en ce qui concerne la participation nigérienne à l’exploitation du gisement d’uranium d’Arlit ou pour une meilleure prospection minière dans cette région, qui renferme un sous-sol riche en charbon et minerai de fer.
Enfin, M. Georges Pompidou a confirmé que l’aide française à l’expérience de télévision scolaire au Niger (la première de ce type au monde) serait poursuivie et même étendue notamment aux domaines de la vulgarisation des méthodes de culture agricole et d’éducation sanitaire."


Dernières Nouvelles D’Alsace

de Pierre Sainderichin :

En l’honneur de M. Pompidou et de Madame, le Niger est monté sur ses petits chevaux. Et sur ses grands chameaux.
Lundi, entre l’aéroport et la ville, les présidents et leur suite avaient défilé devant les cavaliers, les chameliers, les troupiers immobiles. Mardi après-midi, les cavaliers, les chameliers, les troupiers ont rendu la politesse aux présidents : ce sont eux qui, cette fois, ont défilé devant eux...
Le Niger, qui compense sa pauvreté par le glorieuse richesse des harnachements...La télévision en couleur s’est régalée...
Alors, on montre le passé aux illustres visiteurs, mais l’on parle de l’avenir.
Après tout, c’est ce qui se fait partout : quand M. Pompidou se rend en Bretagne, les binious sont de sortie, mais il est question d’autoroutes.
Mais, au palais présidentiel à l’ameublement du style "cosy tout confort" - ça, c’est du meuble ? -, les deux chefs d’Etat ont usé du langage de cette impitoyable civilisation qu’on dit moderne.
Investissements publics et privés, crédits bancaires, modulation des aides, gisements, uranium, enseignement audiovisuel, aérodromes jets, zone franc, système monétaire international, dollar, pétrole...
En définitive, ce que ces voyages démontrent toujours, c’est que chaque pays a ses problèmes spécifiques, si le tiers monde a des problèmes généraux et globaux de développement.
Mais ce que ces voyages démontrent aussi le mieux, c’est universalité de l’homme.
Noir ou blanc, sous toutes les latitudes, le paysan se plaint de la dégradation du prix de ses produits et de renchérissement des fournitures industrielles.
Noir ou blanc, sous toutes les latitudes, l’homme a appris, à ses dépens, qu’il n’est pas seul sur la terre.
Alors, il aspire à ce qu’il y a de plus naturel, de plus enviable et, parfois, de plus décevant : le mieux-être."


Les Echos

de Jacques Clergier :

Pour le Niger, qui a connu ses moments difficiles, lui aussi, c’est l’avenir de l’uranium qui se profilera sur les entretiens qui commencent aujourd’hui.
Depuis l’an dernier, le Niger possède heureusement une nouvelle ressource : le gisement d’uranium d’Arlit, dans les montagnes de l’Aïr à 250 kilomètres au nord d’Agadès, qui est exploité par la Société des mines d’uranium de l’Aïr.
Une seconde unité de même dimension sera installée à Arlit vers 1974-1975, ce qui portera la capacité de production annuelle du gisement à 1500 tonnes de métal contenu. Ajoutons que les réserves reconnues du Niger sont évaluées actuellement à 20 000 tonnes d’uranium contenu mais qu’elles sont vraisemblablement très supérieures.
Au fur et à mesure de sa deuxième tournée en Afrique francophone, le président Pompidou, qui en était hier encore au Niger, amplifie ses déclarations en faveur d’un tiers monde en droit d’être assuré de ses débouchés et de voir des prix stables garantis à ses produits. S’adressant, par-delà son auditoire de Niamey, à l’ensemble des pays en voie de développement, il revendique, en leur nom, le droit de participer à l’élaboration de la politique monétaire internationale.
Cette élaboration est difficile, on le sait, mais comment ne pas ressentir la profonde injustice que constitue l’élévation des prix produits industriels, alors que plafonnent ou même diminuent - sauf pour le pétrole - les cours des matières premières ?
En même temps, il paraît bien que le président Pompidou ait voulu, en prenant le cas particulier du Niger, affirmer une fois de plus le souci de la France de voir ses "amis de la zone franc" participer à sa propre politique monétaire.
M. Diori Hamani, président de la République du Niger, a pris l’initiative, qui semble jusqu’à présent avoir été bienvenue, de préconiser la création d’un conseil économique de la zone franc...
Dans l’entourage du président du Niger, on donnait hier soir d’autres précisions sur l’extension de la concentration qui pouvait naître d’un conseil économique de la zone franc. C’est ainsi que la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest devrait, tout en restant un organisme monétaire, avoir une vocation complémentaire : celle de devenir un institut de crédit. Elle devrait pouvoir accorder des prêts à court terme et être habilitée à réescompter les bons du Trésor."


Le Figaro

de Pierre Macaigne et Perrier-Daville :

M. Diori Hamani, le président de la République du Niger, qui accueille aujourd’hui à Niamey M. Georges Pompidou, est connu sur le plan international par ses talents de négociateur. Il a été souvent le porte-parole des Etats africains francophones, et joue fréquemment un rôle d’arbitre et de conciliateur dans les discussions entre Etats africains, ce qui lui a valu la réputation d’être un des "sages de l’Afrique".
C’est l’homme du perpétuel dialogue. Son pays ayant 8 000 kilomètres de frontière commune avec sept Etats et des forces armées nationales fort modestes, il s’est efforcé d’établir de bonnes relations avec tous ses voisins.
En dépit aussi des pressions françaises et de celles de la Côte-d’Ivoire, le président nigérien resta fidèle au gouvernement fédéral du Nigeria, et prit position contre la succession du Biafra.
Aujourd’hui il s’efforce, jusqu’ici en vain, de réconcilier la Libye et le Tchad. Lors de la conférence de la francophonie, qui se tint précisément à Niamey, le gouvernement nigérien se refusa de prendre parti dans la "petite guerre" opposant l’Etat du Québec au gouvernement fédéral canadien, et d’épouser les thèses autonomistes soutenues alors par la France."Tout ce qui est bon pour la France ne l’est pas toujours pour nous", devait ainsi déclarer le président de l’Assemblée nationale nigérienne. Cette position valut, au président Diori Hamani, la reconnaissance d’Ottawa, concrétisée par une aide massive du gouvernement canadien.
Si le Niger s’efforce de diversifier les concours que peuvent lui apporter les divers pays, la France reste ici "l’amie privilégiée" à une époque où l’on voudrait démontrer que le critère de l’indépendance est l’hostilité vis-à-vis de l’ancien colonisateur, ce qui, je pense, est une stupidité.
Les apparences sont trompeuses...Le clou de la journée n’a pas été politique, du moins pour le bon peuple qui s’entassait follement sur le passage du défilé d’une heure trois quarts devant les tribunes officielles décorées. Un défilé d’une richesse et d’une somptuosité qui fait passer pour des rigolos ceux qui soutiennent que le désert est vide...
Oui, nous avons échangé des rêves cet après-midi au milieu des couleurs et des hurlements de joie.
Mais il y avait énormément de vérité dans ces rêves.
Il y avait des enfants qui attendent tout d’un monde où la scandaleuse inégalité sociale entre les pays doit disparaître. Il y avait des anciens combattants avec une forêt de médailles militaires françaises qu’ils avaient bien gagnées quelque part du côté de Cassino ou sur le Rhin. Pour les uns et pour les autres, nous étions loin d’un cortège folklorique...
L’Afrique, voyez-vous, c’est bien autre chose que le pittoresque d’un joli musée vivant."


France Inter

de P.-J. Franceschini :

M. Pompidou est un Président qui voyage. il a raison, c’est ainsi que l’on s’instruit et que l’on connaît ses amis. Or, des amis, la France en a beaucoup en Afrique. J’étais hier encore au Niger, à Niamey, où l’on se prépare à accueillir dans quelques jours le Président de la République française. Son "collègue" nigérien, M. Hamani Diori (si l’on peut parler de collègue pour des chefs d’Etat, mais enfin collègue est plus harmonieux que l’horrible"homologue"), M. Diori donc me disait avec quel plaisir et quelle chaleur son peuple, l’un des plus hospitaliers et des plus courageux du continent, voulait recevoir celui qui, pour les Africains, est le successeur du général de Gaulle et participe un peu de l’aura de grandeur et de familiarité qui entoure l’homme de Brazzaville. Il existe encore en Afrique, je viens de le constater, une immense sympathie pour notre pays et une affection qui s’exprime parfois de façon émouvante. Avoir transformé le titre des livres de géographie de notre enfance, "La France et ses colonies" en "La France et ses amis", cela restera sans doute l’un des grands mérites historiques du Général.
J’ai vu, à Niamey, peindre en hâte la villa verte qui accueillera le Président Pompidou. J’ai vu, à l’usine de textiles Nitex, tirer les milliers de mètres de cotonnades portant les portraits des deux présidents. Tout sera prêt et déjà les chameliers du désert, les touaregs bleus et hiératiques, se mettent en route pour être au rendez-vous de l’amitié. Mais la France répond-elle toujours à cette attente ? Dans le compte rendu annuel de l’Institut Français d’Opinion Publique (I.F.O.P.), on peut lire, à propos du dernier voyage de M. Pompidou en février (je cite), "qu’il ne semble pas avoir particulièrement intéressé les Français, même si une majorité polie - 51% contre 15% - estime que les conséquences en seront positives pour les intérêts français".
Lorsqu’on mesure l’immensité des efforts et des tâches, lorsqu’on voit comme au Niger je viens de le faire, un peuple qui essaie de vaincre le sous-développement, un chef d’Etat sans morgue ni prétention, une administration qui ignore la corruption, des ministres modestement payés, on se dit que certaines analyses sur le gouffre à millions que serait l’Afrique et sur les "rois nègres" mendiants sont bien mesquines et malfaisantes. S’il reste une mission à l’Europe, et plus particulièrement aux pays francophones, c’est d’aider cette Afrique à décoller. Le Canada l’a compris et il va construire dans quelques semaines, au Niger précisément, une "route de l’unité" précieuse pour le pays. Le Président Pompidou a promis une aide accrue au Tiers Monde. On a parfois ironisé sur la formule du général de Gaulle : "C’est beau, c’est grand, c’est généreux la France."Pourtant, aux yeux de ces hommes d’Afrique qui parlent notre langue, ont partagé notre histoire, épousé nos querelles, vécu nos espoirs, la France reste cela. A Niamey, les chameaux et les ânes passent devant un modeste monument aux morts. Il porte deux dates : 1914-1918 et 1939-1945. Deux épreuves et deux victoires pour la France. Sans générosité - celle du sang et celle de l’aide - les nations ne seraient que des maisons de commerce. La France ne mérite pas cela."


France-Soir

de Jean-Jacques Simmoneau

Le Niger, pays de déserts et de savanes, parcouru par les caravanes et les troupeaux des bergers nomades, a présenté l’hommage de ses hommes simples et fiers dressés sur leurs montures, la lance au poing ou l’épée au côté...
Dès la sortie de la nouvelle aérogare de Niamey, bâtie en six mois, dont le président Pompidou inaugurait les installations, les cavaliers s’alignaient à perte de vue sur leurs petits chevaux en harnachement d’apparat, le poitrail recouvert de cuir.
Le président nigérien, M. Diori Hamani, 55 ans, ancien instituteur, est l’un des "sages" de l’Afrique où son rôle de conciliateur lui donne une position privilégiée.
Paris voit sans aucun doute avec faveur le regroupement économique des pays africains de l’ouest proposé par les présidents Senghor du Sénégal et Houphouët-Boigny de Côte-d’Ivoire. On craindrait en effet, dans certains milieux, que le Niger, dont les affinités ethniques avec le Nigeria sont grandes, ne tombe, bon gré mal gré, dans la mouvance économique du géant anglophone.
Dans une interview à la Nouvelle Agence de Presse, le président Pompidou a d’ailleurs discrètement encouragé ce regroupement : "Si les pays qui adhéreraient à une telle communauté souhaitent que la France contribue à son édification, a-t-il déclaré, il va de soi que leur demande sera prise en considération et que les modalités de cette contribution seront étudiées le moment venu dans un esprit d’amicale compréhension."


L’Humanité

de Robert Lambotte :

Considéré par les responsables de la politique néo-coloniale française comme un "pays clé", le Niger est l’objet des attentions très particulières de l’Elysée.
Si son économie n’offre pas d’appréciables possibilités de profits, son sous-sol par contre en fait le principal fournisseur d’uranium de la France,e t c’est là que réside son principal intérêt.
Le Niger, à lui seul, fournit au gouvernement français davantage d’uranium qu’il n’en a besoin, étant donné sa politique de démission en ce qui concerne l’utilisation pacifique de l’énergie atomique qui met le fonctionnement d’éventuelles centrales nucléaires à la remorque de l’uranium enrichi américain.
Cependant, la production nigérienne reste précieuse...
Dans ce marché, le Niger, légitime propriétaire de cette richesse, ramasse les miettes.
Le voyage de M. Pompidou se justifie également par le désir de resserrer les liens avec le président Diori Hamani.
S’il serait exagéré de parler de crise entre Paris et Niamey, il reste cependant que l’évolution de la politique nigérienne au cours des deux dernières années fait quel peu grincer les dents de ceux qui considèrent ce pays comme une chasse gardée française.
L’implantation de l’Allemagne de l’Ouest dépasse aujourd’hui le strict domaine économique et la coopération avec le Canada a pris un tel départ qu’elle a suscité des inquiétudes à Paris.
Cette diversification dans la coopération avec les pays étrangers autres que la France se traduit par une politique extérieure qui se démarque parfois de celle que l’Elysée "conseille" à ses partenaires africains. C’est ainsi que dans l’affaire du Biafra, le Niger n’a pas suivi le Gabon et la Côte-d’Ivoire et s’est rangé aux côtés du général Gowon. De même, le président Diori Hamani exprime plus que des réserves sur l’initiative "ivoirienne" de dialoguer avec les racistes d’Afrique du Sud. Sur un autre plan, la politique étrangère nigérienne s’oriente vers un rapprochement avec le Nigeria et les pays arabes...
Au moment de l’indépendance (1960), le taux de scolarisation n’atteignait pas 3%. Malgré un louable effort dans ce domaine, 12% seulement des enfants nigériens peuvent actuellement fréquenter l’école. L’équipement sanitaire reste encore faible, avec un hôpital à Niamey, la capitale, et un autre à Zinder."


Jeune Afrique

de Paul Bernetel :

A Dakar, le chef d’Etat français évoquait pour la première fois "l’africanisation" progressive, mais nécessaire, "dans tous les cadres et à tous les échelons", ajoutant : "La coopération franco-sénégalaise doit passer de plus en plus à un second stade. C’est désormais une autre époque de la coopération qui s’éloigne de plus en plus de la colonisation."
A Abidjan, Georges Pompidou insistait plus encore : "Se soumettre à l’intérêt général, c’est d’abord se soumettre à l’africanisation", ajoutant : "il faut

que cela change, c’est indispensable". Puis, le chef d’Etat français lançait à l’adresse des investisseurs étrangers : "Il ne faut pas que les investisseurs s’imaginent aller à la colonie et gagner de l’argent. Ils viennent pour travailler avec les Ivoiriens..."
Un an après, la seule modification apportée par Paris à l’organisation de ses relations avec les Etats africains concerne une réforme - minime - du Quai d’Orsay (ministère français des Affaires étrangères) !
Désormais, il existe deux directions distinctes. Celle des Affaires d’Afrique-Levant, et celle des Affaires africaines et malgaches, regroupant tous les Etats du sud du Sahara, confiée à M. Philippe Rebeyrol, ex-ambassadeur de France au Cameroun.
Le secrétariat d’Etat aux Affaires étrangères chargé de la coopération, dirigé par Yvon Bourges, et le secrétariat général à la présidence de la République pour les Affaires africaines et malgaches de Jacques Foccart, conservent les mêmes attributions et continuent de coiffer en fait l’essentiel de la coopération franco-africaine. Ce conservatisme, après toutes les annonces de réorganisation, suscite de nombreux commentaires à Paris. On s’explique mal, en effet, que "l’évolution" annoncée par Georges Pompidou l’an passé se limite à une mini-réforme administrative du Quai d’Orsay.
Pourquoi rien n’a-t-il changé ?
Si le langage nouveau utilisé par Georges Pompidou lors de son dernier périple africain avait suscité quelques espoirs parmi les jeunes cadres africains, il n’en fut pas de même de la part de certains chefs d’Etat. On dit à Paris qu’une démarche analogue à celle de 1969 (au cours de laquelle la majorité des chefs d’Etat d’Afrique francophone étaient intervenus auprès de Paris pour réclamer le retour de Jacques Foccart à l’Elysée) aurait été effectuée quelques mois à peine après le premier périple africain de Georges Pompidou. Les auteurs de cette démarche auraient informé l’Elysée de leur crainte de se retrouver face à un appareil diplomatique français totalement ignorant des "réalités africaines".
Aussi, si rien n’a été fait entre les deux périples du chef d’Etat français, force nous est de constater, en tant que journal africain, que les responsabilités africaines - les seules qui nous intéressent directement - sont, à cet égard, très lourdes.
Il est vrai qu’il existe dans les pays francophones un sentiment fortement ancré selon lequel la coopération française est un bien du ciel et que la remettre en cause pourrait avoir des conséquences incalculables et catastrophiques. Soit. Mais il ne s’agit nullement, et nous l’avons maintes fois précisé ici, de tourner le dos à la France. Au contraire. Il s’agit de lui apprendre à considérer les Etats francophones comme des partenaires qui ont, eux aussi, des intérêts à défendre. Des intérêts parfois convergents, d’autres fois divergents."
Les lycéens de Niamey, en grève depuis le 31 janvier, manifestaient de la sorte leur sentiment quant à certains aspects de la coopération franco-africaine.
Pour important qu’il soit, le problème n’est pas propre au Niger. Il l’est d’ailleurs certainement moins ici que dans d’autres pays voisins. Dès à présent, les Etats africains devraient se montrer très exigeants et beaucoup plus sévères à l’encontre d’abus totalement inadmissibles accomplis par une certaine catégorie de "coopérants".
Le président de la République française a pu constater, pour sa part, que les "bonnes relations" n’excluent pas certaines critiques. Hamani Diori n’a, en effet, pas dissimulé à son hôte la nécessité urgente de redéfinir certains aspects de la coopération. C’est un langage nouveau dans les rapports franco-africains et il convient de s’en féliciter d’autant que, du côté français, un certain assouplissement - notamment sur la question de la zone franc - semble se dessiner.
Les relations bilatérales entre la France et le Niger posent quelques problèmes, en particulier sur la question de l’uranium. L’explication donnée par Paris à la réduction de la production espérée de la société des mines de l’Aïr est d’ordre essentiellement économique, mais les responsables nigériens que j’ai rencontrés ne m’ont pas dissimulé qu’aux yeux de leur gouvernement, cette explication est jugée totalement insuffisante.
Le Niger, tel qu’il est aujourd’hui et grâce en grande partie à la lucidité de ses dirigeants qui ont le grand mérite de s’efforcer de s’adapter aux conditions nouvelles d’un monde en complète transformation, présente un cas des plus intéressants en Afrique. Le président Pompidou a pu s’en rendre compte. Il est rare, en effet, en Afrique francophone, qu’un chef d’Etat profite de la visite du président de la République française pour aborder en un laps de temps aussi court - 47 heures exactement - et avec une parfaite courtoisie, autant de questions délicates : l’exploitation des mines d’uranium de l’Aïr, pour laquelle le président Diori réclame des adaptations aux accords conclus, reconnaissant ainsi implicitement, et avec une franchise qui est toute à son honneur, certaines lacunes, voire une certaine "précipitation", dans leur ratification ; un aménagement de la zone franc plus conforme aux intérêts africains par la création d’un conseil économique destiné à améliorer la concertation entre les Etats membres ; une répartition des prêts français plus équitable ("il faut surtout faire une distinction entre ceux d’entre nous qui en ont le besoin le plus pressant", dit le président Diori). Face à cet ensemble de revendications, il était intéressant de voir la réaction française.
il est dur", me disait, mi-figue mi-raisin, mais non sans une certaine admiration, un membre de la délégation française en parlant du président Diori...
Enfin, les chefs d’Etat français et nigériens ont également abordé les problèmes de la coopération entre l’Afrique francophone et l’Afrique anglophone. Un problème qui intéresse au premier chef le Niger dont les échanges s’effectuent pour une grande part avec son puissant voisin, le Nigeria. Là, le président Pompidou a été plus évasif :"Il est dans la logique des choses, a-t-il dit, que l’Afrique francophone et l’Afrique anglophone coopèrent plus étroitement."Toute fois, soulignant le poids du Nigeria qui a de tout temps "inquiété" Paris, le président de la République français précisait qu’à son avis, cette coopération ne devrait pas être à sens unique et qu’il fallait trouver un "juste équilibre".


Le Monde

de Philippe Decraene :

Au Niger, M. Georges Pompidou aura pour interlocuteur l’un des plus anciens chefs d’Etat d’Afrique francophone. Réaliste, méfiant à l’égard de tout ce qui revêt un caractère spectaculaire, M. Diori Hamani s’est toujours comporté, en treize ans d’exercice du pouvoir, comme un gestionnaire rigoureux, scrupuleux et tenace. L’autorité présidentielle est acceptée dans tout le pays, et à l’extérieur des frontières du Niger le chef de l’Etat jouit d’un prestige envié...Initié aux traditions du parlementarisme sur les bancs du Palais-Bourbon, cet ancien vice-président de l’Assemblée nationale française n’est pas un inconnu pour M. Georges Pompidou, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il soit un interlocuteur passif. En effet, il a de solides convictions et ne cherche jamais à dissimuler son point de vue, même lorsque celui-ci diffère sensiblement de celui qu’on lui prête...
Chaque fois que l’intérêt national leur paraît l’exiger, les dirigeants de Niamey n’hésitent pas à se tourner vers de nouveaux partenaires. C’est ainsi que le Canada et la République fédérale d’Allemagne prennent une part croissante dans l’aide extérieure accordée au Niger.
Le Niger a bénéficié des récentes initiatives du Canada en faveur des pays d’Afrique francophone. Le dialogue entre Ottawa et Niamey s’amorça à la suite du don par les Canadiens de 20 000 tonnes de blé destinées à venir en aide aux Nigériens éprouvés une grave disette.
Champion de l’unité africaine, partisan de l’unité du Nigeria pendant la guerre du Biafra, M. Diori Hamani pouvait difficilement se poser en défenseur du séparatisme québécois. Refusant en 1968 d’épouser la querelle qui opposait alors Paris à Ottawa, le président de la République du Niger hâta ainsi le rapprochement esquissé entre son pays et la fédération canadienne...
Dans le choix de ses partenaires africains, le Niger obéit aux mêmes règles de conduite, et le gouvernement de Niamey a multiplié les efforts de rapprochement avec les pays musulmans voisins. Seul Etat musulman parmi les cinq membres du Conseil de l’Entente, le Niger est environné par sept nations, dont cinq ont une population fortement, ou presque entièrement, islamisée : l’Algérie, la Lybie, le Tchad, le Nigeria et le Mali.
Mais la solidarité islamique ne gêne en rien la fidélité du Niger à ses autres amitiés africaines, comme l’ouverture en direction du Canada et de la République fédérale allemande ne nuit en rien à la cordialité des rapports avec la France. Le Conseil de l’Entente, auquel il appartient avec la Côte-d’Ivoire, le Dahomey, la Haute Volta et le Togo, reste l’objet d’une sollicitude particulière du chef de l’Etat nigérien. Son autorité morale y est reconnue, et il est probable qu’à l’occasion de la visite du président Pompidou à Niamey, le chef de l’Etat du Niger exposera à son interlocuteur français les questions d’intérêt commun à l’ensemble des cinq pays membres du Conseil de l’Entente."
Ceux qui espéraient qu’avant le départ du chef de l’Etat français pour Fort-Lamy, mercredi après-midi, le voile serait levé sur le dossier du minerai d’uranium de l’Aïr ("Le Monde" du 18 décembre 1971) ont été déçus.
Au demeurant, le point de vue des Nigériens sur ce sujet n’est guère mystérieux, et il diffère sensiblement de celui de leurs partenaires français. Signataire, avec la Côte-d’Ivoire et le Dahomey, de l’accord de défense d’avril 1961, qui prévoit la limitation des exportations d’uranium "lorsque les intérêts de la défense l’exigent", le Niger souhaite une contrepartie à cette situation librement acceptée par lui.
L’exploitation de l’uranium n’intéresse pas seulement le domaine commercial, mais également le domaine politique et militaire, dit-on à Niamey, où l’on considère que la France évoque trop fréquemment et trop exclusivement la question de rentabilité. Le Commissariat à l’énergie atomique (C.E.A.), qui détient a haute main sur la Société des mines de l’Aïr (Somaïr), se cantonne, disent les Nigériens, dans une attitude trop commerciale, pour ne pas dire mercantile, et évoque trop volontiers les risques industriels de l’entreprise à laquelle sont associés les Français.
La question de la répartition des bénéfices semble susciter quelques malentendus, et, tout compte fait, les dirigeants du Niger sont enclins à croire qu’ils ne tirent pas de l’exploitation du minerai d’uranium de l’Aïr tous les profits qu’ils pensaient pouvoir en espérer.
D’autre part, le C.E.A., seul habilité à négocier avec d’éventuels partenaires étrangers, est accusé de poser des conditions si draconiennes que celles-ci sont de nature à décourager les investisseurs comme la République fédérale allemande, l’Italie ou le Japon.
Il est reproché ici à la Somaïr de retarder les projets d’extension destinés à porter la production de 750 tonnes d’uranium métal en 1971 à 1500 tonnes en 1974, et d’agir en fonction des seuls besoins français, sans tenir suffisamment compte de l’intérêt des Nigériens.
Sur le plan des principes, l’harmonie paraît totale entre MM. Georges Pompidou et Diori Hamani. Le chef de l’Etat français n’a pas cessé de souligner publiquement l’originalité de la politique extérieure du Niger, parfois différente de celle de la France, de dénoncer le caractère immoral de la dégradation des termes de l’échange entre pays nantis et pays en voie de développement, de dire combien il était indispensable que le tiers monde participe à l’élaboration de la politique monétaire internationale, d’insister sur la nécessité d’accélérer la promotion des cadres nationaux dans toute l’Afrique. Tous ces propos ne pouvaient rencontrer qu’un écho favorable auprès du président de la République nigérienne, qui a d’ailleurs développé pour sa part beaucoup d’arguments analogues au cours des dernières quarante-huit heures."


La Nation

de Erwan Bergot :

Indépendant depuis 1959, le Niger donne au monde et au continent africain l’exemple d’une stabilité sans nuages. Elu en 1960, réélu - pour cinq ans - en 1965, puis en 1970, le président Diori Hamani gère son pays avec prudence et sagesse.
Tout à l’heure, lorsque le président Pompidou parcourra les dix kilomètres qui séparent l’aérodrome de la capitale, il pourra mesurer, à la fois l’enthousiasme des Nigériens et le soin apporté par leur président à faire de cette visiter - la première rendue à son pays par un dirigeant français depuis 1947 - un événement inoubliable.
Et le ciel bleu donnera inévitablement au chef de l’Etat français l’image à peu près exacte du climat politique qui règne au sein de ce pays dont il sera l’hôte pendant deux jours.
Régime à parti unique - le Parti populaire nigérien - le Niger a su, en dix ans, à partir d’un territoire deux fois grand comme la France, faire une nation. L’attachement profond des citoyens à leur président est manifeste. Et réciproque.
En dix ans, le président Diori Hamani a su forger, à partir d’ethnies jadis rivales, l’âme d’un peuple, et fournir aux hommes de quoi vivre alors que n’existaient pratiquement pas d’industries, mettre en place des institutions politiques, une infrastructure économique, une organisation sociale, là où l’emportait une population au long passé de civilisation rurale et en majorité analphabète.
En dix ans, beaucoup de choses ont changé, au Niger :
Le président Pompidou en aura la preuve.
Citons quelques chiffres : l’assistance technique en personnels représente 4,9% globaux de l’assistance technique du ministère des Affaires étrangères (contre 4% en 1960). il y a actuellement au Niger 522 agents de coopération, dont 383 civils et 139 appelés du service national. Sur cet ensemble, 260 se consacrent à des tâches d’enseignement, et 262 à des fonctions de formation.
Dans ce domaine cependant, il est certain que la visite du président de la République française permettra d’améliorer encore, sinon l’esprit, du moins la lettre de cette coopération. En effet, le gouvernement nigérien souhaiterait voir définis plus précisément les termes mêmes des accords, établis en 1961 pour une durée de "cinq ans renouvelable". Nul ne doute que M. Diori Hamani ne profite de l’occasion offerte à son pays pour obtenir satisfaction : les rapports, déjà excellents entre nos deux pays, ne pouvant que s’en trouver confortés."
de Mme L. Hubert Rodier :
Poursuivre la coopération avec les pays africains, tout en lui apportant les ajustements rendus nécessaires par l’évolution même des nations concernées : tel fut le thème principal des entretiens de Niamey entre les présidents Pompidou et Diori Hamani. Un thème qui fut repris au cours des deux tête-à-tête des chefs d’Etat (lundi soir et mardi matin), ainsi qu’au cours de la séance élargie qui groupait autour d’eux leurs ministres des Affaires étrangères et de la Coopération.
Le climat dans lequel s’est effectué l’examen des problèmes évoqués - ceux de l’Afrique francophone, ses relations avec ses voisins, de la coopération franco-nigérienne, des incidences du Marché commun à Dix sur les pays en voie de développement - a été qualifié d’excellent.
Toutefois, si selon l’avis des deux présidents, la coopération entre la France et le Niger marche bien, elle n’en appelle pas moins - c’est là une idée exprimée par le président du Niger et à laquelle a souscrit pleinement M. Pompidou - les solutions diversifiées selon le degré de développement des pays africains depuis leur accession à l’indépendance. Pour ce qui est du Niger, la commission mixte mise en place depuis 1968 a donné déjà des résultats bénéfiques pour l’analyse en commun des projets de développement nigériens auxquels s’appliquerait l’aide française. A cet égard, Paris est favorable au recensement du potentiel économique du Niger, recensement que souhaite le président nigérien pour qui l’exemple de la prospection minière à l’origine des gisements uranifères d’Arlit, est déterminant.
De même, les deux présidents ont convenu de la nécessité d’amplifier les moyens d’enseignement dont dispose le Niger. Ce qui pourra être obtenu par l’extension de la télévision scolaire qui vient de faire ses preuves auprès des écoliers de Niamey (auxquels Mme Pompidou a rendu visite).
Pour le président Pompidou, qui a reçu la presse en fin de journée, dans sa résidence de la "Villa verte", le séjour de Niamey a prouvé qu’entre nous et les nations de l’Afrique francophone,c’est un dialogue de tous les jours qui se produit. Ce dialogue, la France pour sa part est non seulement résolue à le maintenir, mais aussi à l’accélérer."


Nice-Matin

de Jean-François Landeau :

Le Niger possède cependant un atout : l’uranium.
Une première usine capable de traiter 350 000 tonnes de minerai par an, c’est-à-dire produire 750 tonnes de concentrés d’uranium, a été mise en service en juillet 1971. Une autre usine, qui doublera sa production, commencera à fonctionner d’ici à trois ans. Le Niger produira ainsi, vers 1974, environ 1 500 tonnes d’uranium métal, soit plus qu’en produit

la France, qui se trouve au quatrième rang mondial derrière les Etats-Unis, le Canada et l’Afrique du Sud (la production de l’U.R.S.S. étant gardée secrète).
La vente d’uranium aux pays intéressés par le développement de l’énergie nucléaire devrait permettre au Niger de financer l’équipement du pays."


Nouvelle Agence de Presse

de Max Jalade :

Dès son arrivée au Niger, M. Georges Pompidou avait indiqué quels seraient les thèmes de ses entretiens et de ses discours. Comme l’an dernier, de Nouakchott à Libreville, il a insisté sur l’importance et "le pourquoi" de cette coopération. Il a rappelé la part prise par son pays dans l’aide au sous-développement, son rôle dans les instances internationales et justifié les accords, fussent-ils de défense.
Le président français s’est adressé aux populations africaines mais aussi à ses compatriotes, leur rappelant qu’ils sont au service de l’Etat avec lequel ils coopèrent et que, ce faisant, ils servaient aussi la France.
Les propos de M. Pompidou traduisent donc une volonté de continuité, de fidélité à l’amitié franco-africaine et à la cause du Tiers Monde. Mais ce qui est nouveau, c’est le ton ferme, la vivacité parfois, avec lesquels s’est exprimé l’hôte du Niger et du Tchad.
Net, M. Pompidou l’a été encore envers les pays industriels. Le thème n’est pas nouveau mais jamais le président français n’était allé aussi loin. C’est un véritable cri d’alarme qui a été lancé : "- L’action de la France sera maintenue et accrue, a-t-il dit. Elle continuera, au sein des instances internationales et européennes, à défendre une politique globale d’aide aux pays pauvres, pour les aider à franchir le fossé qui les sépare des pays industrialisés, pour améliorer un niveau de vie au-dessous duquel ils seraient voués à l’amertume, à la rancune à l’égard du reste du monde et qui déboucherait sur une haine inexpiable."


La Nouvelle République

de Mme Micheline Basset :

Le Niger n’a que quatre dentistes dont trois sont des étrangers, 58 médecins et six pharmaciens. Les statisticiens en déduisent qu’un médecin est chargé de 67 300 personnes, un pharmacien de 650 000, un dentiste de 975 000.
On rougit de penser au malthusianisme criminel qui se pratique dans nos facultés de médecine en constatant là-bas l’ampleur des besoins dans le domaine de la santé...
Curieusement, la démocratie semble faire bon ménage avec le parti unique.
Dans le climat de tolérance qui règne en Afrique, a reconnu M. Pompidou, le parti unique permet un gouvernement démocratique en évitant les inconvénients présentés par les luttes partisanes"...
L’action psychologique de certains coopérants engagés dans la politique avant d’arriver en Afrique tend aussi à encourager de-ci, de-là, quelque contestation. La boule de terre que M. Pompidou a reçue sur son veston à Niamey a été, ainsi, lancée par quelques trublions un peu excités. Mais une rapide visite dans ces pays ne liasse nullement une impression oppressive.
Si les Tchadiens et les Nigériens sont lourdement imposés, il est flagrant qu’ils ne sont pas en état de faire face aux dépenses considérables que nécessite la mise en valeur de leurs pays respectifs.
Très rares sont ceux qui disposent d’un salaire mensuel excédant 100 000 F CFA (2 000 NF). Le chef de l’Etat du Niger et le président de l’Assemblée Nationale, par définition les mieux rémunérés, perçoivent 3 500 de nos francs et les ministres 3 000. Sur les revenus, l’impôt direct est de 37%. Et de nombreux nomades doivent faire passer en fraude leurs troupeaux en Lybie ou au Nigeria pour conserver ce qu’il est vraiment convenu d’appeler le "minimum vital".
L’aide extérieure s’exerce donc de multiples façons. Des "coopérants" prêtés pour un temps par divers pays enseignent, prospectent, modernisent et vulgarisent les techniques agricoles, industrielles, militaires, etc. Les "volontaires du progrès" jeunes gens et jeunes filles venus de France se sont découvert une vocation de missionnaires laïcs et montrent beaucoup de dévouement.
On trouve aussi des individus beaucoup moins désintéressés - Prospecteurs, plombiers, gens décidés à faire fortune, ratés du monde occidental venus tenter leur chance sous d’autres cieux.
Qu’ils soient mus par des idées généreuses, qu’ils cherchent l’aventure ou qu’ils soient bien décidés à "faire du CFA" comme on dit là-bas - nous traduirions par "s’en mettre plein les poches" - les Européens sont sans doute ceux qui, a priori, sont les mieux placés."


Le Nouvel Observateur

de René Backmann :

La situation géographique exceptionnelle de ces deux pays à la charnière de l’Afrique de l’Ouest, de l’Afrique centrale et du Sahara est considérée par le gouvernement français comme un atout stratégique de première importance. On s’inquiète, en effet, à Paris - comme à Londres - de la pénétration soviétique et surtout chinoise en Afrique noire. La présence au Niger du fabuleux gisement d’uranium d’Arlit, l’existence au Tchad de la base aérienne 172, l’une des plus importantes d’Afrique, justifient la sollicitude du gouvernement français.
L’immense et désertique Niger n’a, semble-t-il, pas été atteint par le convulsions qui ont agité ou agitent aujourd’hui les remuants voisins que sont l’Algérie, la Lybie, le Tchad et le Nigeria.
Et surtout, il y a le formidable gisement d’Arlit exploité par le Commissariat à l’Energie atomique (C.E.A.). C’est l’un des plus riches gisements du monde...
Stabilité politique, redressement économique, présence d’une matière première rare et indispensable au développement de l’industrie nucléaire française, civile et surtout militaire : Georges Pompidou ne manquera pas de sujets de satisfaction à Niamey."


Ouest France

de Philippe Gallard :

Pays sage, pays de sages, le Niger politique semble avoir été moulé sur son paysage et sur son histoire : c’est peut-être au Niger que fut le berceau de l’humanité. On s’en convainc presque en découvrant les peintures rupestres de l’Aïr, des paysages calcinés, ces bergers Peuhls issus du fond des temps, un cimetière de dynosaures qui est le plus grand du monde : l’histoire, ici se vit en millénaires.
Mais quand il s’agit de se mettre au rythme d’un siècle où semblent n’importer que les richesses matérielles, force est de constater que les trésors du Niger ne se chiffrent pas. Sagesse et noblesse d’un peuple ne pèsent pas lourd dans les comptes de la nation. Le revenu, par habitant, y est l’un des plus faibles du monde. Pourtant, le Niger n’est pas surpeuplé : douze fois moins d’habitants qu’en France vivent sur un territoire double du nôtre. Mais il y fait trop chaud, l’eau est trop rare, le sol et le sous-sol recèlent peu de richesses, et quatre Nigériens sur cinq ne savent ni lire ni écrire. Une mauvaise saison des pluies et certaines brousses reculées connaissent encore la famine. Voici trois ans, une terrible sécheresse réduisit de moitié l’une de ses seules richesses : un troupeau de bovins qui était le plus important de tout l’ouest de l’Afrique.
Cet ancien instituteur est devenu l’un des plus habiles politiciens d’Afrique noire. Diori Hamani est le champion de la francophonie, mais c’est le seul domaine pour lequel il se transforme en militant. Pour le reste, ce conciliateur né, ce partisan résolu de l’entente entre les pays africains, évite de se compromettre de façon marquée dans les conflits qui agitent son continent. Aux moments difficiles, il devient ainsi le "Monsieur Bons Offices" presque obligé de l’Ouest africain. De la même manière qu’à l’intérieur du Niger, il est devenu l’arbitre et l’unificateur indispensable entre les différentes ethnies qui constituent le peuple nigérien. Il sait entretenir à l’extérieur les meilleures relations. Avec le colonel Khadafi, par exemple ; avec Mme Golda Meïr ou avec le président Tombalbaye ; avec les Américains et avec, depuis l’an dernier, les pays de l’Est.
Aujourd’hui, son prestige diplomatique lui permet non seulement d’avoir l’oreille à la fois de la "droite" et de la "gauche" des continents africains, mais aussi de tempérer l’omniprésence de la coopération française au Niger avec les Canadiens, les Américains, les Allemands ou les Japonais.
M. Diori Hamani a réussi à se rendre indispensable à l’équilibre nigérien, mais aussi à celui de tout le continent. Malgré le faible poids économique de son pays, il a su se tailler une place face à un tuteur moins encombrant peut-être que beaucoup d’autres, mais qui n’en demeure pas moins un tuteur intéressé : l’Etat français.
C’est à un ami sincère, mais aussi à un ami lucide et intelligent, que va rendre visite M. Pompidou.
Ce ne sont pas là les amis les plus faciles, mais ce sont sûrement les amis les plus sûrs et, finalement, les plus précieux. A condition, bien sûr, de chercher sincèrement à respecter leur dignité et leur indépendance et à favoriser un développement conforme à leur culture et à leurs besoins."


Le Parisien libéré

de Claude Desjardins :

Fier et gentil : c’est sûrement le jugement du président Pompidou sur le peuple nigérien, après l’accueil qu’il a reçu à Niamey. Sur les dix kilomètres de route qui séparent l’aérodrome de la résidence du président de la République du Niger, des millieurs de cavaliers venus de tous les coins du pays, en grande tenue, des guerriers harnachés, des chefs de tribus entourés de leur cour, des millieurs de chameliers touareg qui avaient sûrement parcouru des centaines de kilomètres, ont fait une haie d’honneur multicolore et bigarrée au cortège officiel.
Mais, plus encore, c’est l’accueil chaleureux des hommes, des femmes, des enfants, qui a frappé le président de la République. Un accueil extraordinaire de gentillesse, dans une atmosphère de joie sincère. Les cris de "Vive la France !", "Vive le Niger !" étaient vraiment spontanés et tous les Français l’ont profondément ressenti.
Malgré une situation économique très difficile, un niveau de vie effroyablement bas, ce peuple nigérien, aux races diverses, donne ne extraordinaire impression de joie de vivre qui pourrait être une leçon.
Le président du Niger, M. Diori Hamani, l’a d’ailleurs bien exprimé en déclarant dans son allocution d’accueil : "Dans ce cadre austère, dans relatif dénuement, l’homme nigérien demeure constamment optimiste et naturellement joyeux."
Le président Pompidou, tout souriant, a apprécié manifestement l’accueil qui lui a été réservé. Quelques tracts et manifestations hostiles, sans doutes inspirés par des coopérants français, n’empêcheront pas les conversations du président Pompidou et du président Diori Hamani de se dérouler dans une atmosphère de parfaite sérénité, car il n’y a pas de contentieux entre la France et le Niger.
Cette atmosphère de cordialité, d’amitié, a d’ailleurs été particulièrement sensible hier soir, au cours du grand dîner que le président du Niger donnait en l’honneur de M. et Mme Georges Pompidou.
Elle sera sans doute plus visible encore aujourd’hui au cours du défilé, à la fois solennel et populaire, qui aura lieu, cet après-midi, au coeur de Niamey.
En se rendant à Niamey, M. Pompidou a tenu à survoler la mine d’uranium d’Arlit. C’est en plein désert, au pied du massif montagneux de l’Aïr, qu’une société exploite un gisement d’uranium découvert en 1966...
Le Niger est devenu le cinquième producteur d’uranium du monde."


Paris-Jour

d’Antoine Moulinier :

De toutes les anciennes colonies françaises, le Niger est le pays le plus pauvre. Le poids du sous-développement est ici écrasant.
Parvenu au pouvoir, M. Diori Hamani, le chef du jeune Etat, doit se battre pour mettre son pays sur la voie du développement économique. Avec l’aide de la France, un Niger moderne commence à naître de l’immense pauvreté. Pour lui, cependant, un espoir certain : l’uranium. Le gisement a été découvert, voilà quelques années, dans le nord du pays, au lieu-dit Arlit. Ses réserves connues - 50 000 tonnes - placent le Niger au cinquième rang des pays producteurs d’uranium. C’est un atout maître qu’il entend jouer. Dans l’exploitation de l’uranium, combustible de l’an 2000, la France est la partenaire privilégiée du Niger. Un Niger qui espère, grâce à cette extraordinaire richesse, sortir de la longue nuit de la pauvreté."
Le Niger a voulu offrir à M. et à Mme Georges Pompidou un inoubliable cadeau d’adieu : une fantastique parade des unités de l’armée et des quinze mille cavaliers et chameliers venus tout exprès à Niamey pour rendre hommage au président de la République.
Pendant plus de deux heures, dans la chaleur de ce magnifique été africain, un immense défilé a étiré ses fastes, offrant l’éblouissant spectacle des Touareg et des gardes noirs, des tribus venues des profondeurs de la steppe, des grands chefs traditionnels paradant au milieu de leurs sujets en liesse. Dans une sarabande de coups de fusil, de cris gutturaux, de chants et de danses, c’était une sorte de mélopée sauvage surgie du fond des âges au rythme des tam-tams. Dans la tribune officielle, M. et Mme Georges Pompidou regardaient, médusés, cet incroyable déferlement humain hérissé de fusils, de sabres, de lances et de drapeaux.
Pendant que le président de la République poursuivait ses entretiens politiques, Mme Georges Pompidou se rendait dans un petit village de la brousse, près de Niamey, où elle a assisté, dans une école, à une séance de télévision scolaire. Comme il n’y a pas, au Niger, suffisamment d’instituteurs, c’est la télévision qui mène la lutte contre l’analphabétisme. Un émetteur central diffuse dans vingt-deux écoles, réparties autour de Niamey, des programmes élémentaires d’enseignement. Les enfants qui bénéficient de cet enseignement - 800 au total - on les appelle ici les élèves TV. Il s’agit là d’une expérience pratiquement unique au monde, et M. Georges Pompidou a assuré le président Diori Hamani que la France lui apporterait son concours pour étendre cet enseignement."


Reuters

de Mlle Odile Le Roux :

Ces relations "privilégiées" entre ancien colonisateur et anciens colonisés, sans autre exemple dans le monde contemporain, ne sont pas sans frapper l’observateur peu averti et donnent souvent lieu à toutes sortes d’exégèses.
Il est en effet souvent difficile sur le plan logique d’expliquer la nature de ces liens et l’enthousiasme avec lequel le président de la République française est accueilli dans les capitales africaines.
Par 35 degrés à l’ombre, le président Pompidou a fait à Niamey une entrée qu’il n’est pas prêt d’oublier.
Pays de cheval, le Niger avait aligné de chaque côté du parcours, de l’aéroport au centre de la ville, plusieurs milliers de cavaliers superbement harnachés...
Le président Pompidou, visiblement, appréciait le spectacle.
Lors de son arrivée à l’aéroport, le président Pompidou répondant à l’allocution de bienvenue du président Diori, a déclaré que sa visite au Niger et ses entretiens avec le "sage et avisé président de la République du Niger", lui permettrait de "prendre conscience directement et sur place des réalités du pays".
Célébrant "l’amitié sans faille" entre la France et le Niger, le président français a encore dit que ce voyage serait l’occasion de répondre aux dérisoires accusations de néocolonialisme", de "redire publiquement combien c’est un devoir pour les pays industrialisés d’apporter leur concours aux pays en voie de développement".
A Niamey, où deux séries d’entretiens sont prévues, on parlera avec franchise au président Pompidou des problèmes de développement qui préoccupent au premier chef le dirigeant de ce pays, le président Diori Hamani dont les efforts dans ce sens ainsi qu’en faveur de l’unité nationale sont reconnus par tous.
Il faut souligner que le Niger, à l’inverse des sept pays qui l’entourent (Nigeria, Dahomey, Haute-Volta, Mali, Algérie, Libye et Tchad), n’a connu ni coup d’Etat militaire, ni guerre civile ?
L’effervescence de la jeunesse, qui sévit ici comme ailleurs et qui a trouvé dans la visite du chef de l’Etat français l’occasion de se manifester, n’est pas de nature à inquiéter les autorités nigériennes.
Le gouvernement nigérien croit en l’uranium pour son développement. Compte tenu de la personnalité du président nigérien, connu non seulement en Afrique mais dans le monde entier, où sa modération est unanimement soulignée, si la question est soulevée, elle le sera sans démonstration volubile mais avec fermeté.
"La coopération n’est jamais totalement désintéressée, l’exemple de l’uranium le prouve, a dit le président Georges Pompidou au cours d’une conférence de presse à Niamey où il se trouve actuellement en visite officielle.
"Les pays riches doivent aider les pays pauvres et ils doivent se rendre compte que ce n’est pas seulement leur devoir mais leur intérêt et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir non seulement sur le plan européen, mais sur le plan mondial pour que le fossé cesse de se creuser entre les économies des pays développés et celles des pays en voie de développement", a dit le président Pompidou...
Le président Pompidou, sensible à l’accueil chaleureux qui lui a été réservé, réaffirme ici son intention d’accélérer cette aide de la France et d’intervenir auprès des pays riches pour qu’ils aident les moins nantis à sortir de leur sous-développement.
Le Niger souhaite poursuivre sa politique de développement en priorité avec la France mais ne néglige pour autant aucun effort pour diversifier ses partenaires, qui sont actuellement, en dehors de la France, essentiellement le Canada, l’Allemagne et la Libye."


Le Temps du Niger

d’Idé Oumarou :

Pour le Niger, et pour les Nigériens, la France n’est pas un pays comme les autres. Notre histoire et notre culture, dans ce qu’elles ont de moderne et de dynamique, font en effet que de toutes les nations d’Europe, c’est la nation française que nous connaissons le mieux. Aujourd’hui encore, la communauté de langue et une certaine communauté d’idéaux et d’intérêts font que c’est avec le peuple de France que nous nous comprenons le mieux.
Notre allégresse est donc à la mesure d’un passé historique encore vivace auquel de sains rapports contemporains sont venus donner lustre et renouveau. Elle est à la mesure des liens privilégiés tissés par le général de Gaulle, et qui portent le nom conciliateur et fécond de coopération.
Soyez donc le Bienvenu au Niger, M. le président Pompidou. Soyez le bienvenu dans ce Niger palpitant de jeunesse, dans ce Niger dur et rude...
Amitié, fraternité et coopération. Voilà des liens qui furent chers au général de Gaulle. Voilà des liens que le président Pompidou s’efforce de renforcer avec bonheur, et de perpétuer avec tact. Voilà aussi des liens auxquels le président Diori Hamani attache le plus grand prix et la plus grande fidélité.
La France a compris que dans l’exercice de notre souveraineté, notre politique et notre action diplomatique ne peuvent pas toujours recouper sa politique et sa diplomatie et que, sur le terrain, une divergence aux Nations Unies ou face à quelque grand problème mettant en présence des critères d’appréciation différents ne peut que contribuer à assainir et à renforcer nos rapports d’amitié.
La France pour nous, c’est tout cela. A la fois un souvenir et un partenaire éprouvé sur la voie du devenir. Il est donc normal, logique et juste qu’en

ce 24 janvier 1972, chaque Nigérien témoigne au président de la République française, à Mme Pompidou et aux illustres personnalités qui les accompagnent, un accueil qui, par sa chaleur et sa sincérité, soit le reflet de notre profond attachement à l’amitié et à la coopération franco-nigériennes."


The Times

de Charles Hargrove :

La France s’est réservée une place spéciale dans ses ex-colonies, en tant que protectrice, guide, exemple et amie. Le Niger en particulier, si pauvre en ressources naturelles, loin de la mer, si défavorisé par le climat, ne pourrait pas survivre sans l’aide de la France, ou son assistance en techniciens, en enseignants et en conseillers.
Mais il s’agit d’un peuple fier et le président Diori a une conception très poussée de la dignité et de l’indépendance de son pays. Il l’a démontré avec éloquence dans sa politique étrangère, par son attitude envers le Nigeria sur le problème du Biafra par exemple, ou envers Ottawa durant la controverse sur le Québec.
Son pays est l’un des plus pauvres en Afrique, mais sont prestige parmi ses pairs, les chefs d’Etat africains, est grand et il a la réputation d’être un "sage". Le problème de la dignité nationale a été définitivement résolu, a-t-il déclaré récemment. Tout en réservant une place privilégiée à la France, le Niger a ouvert ses portes à tous les pays étrangers amis. Il a de bonnes relations avec les sept pays avec lesquels il a des frontières communes et en particulier avec le Nigeria, la Libye et l’Algérie.
Le Canada l’aide à renforcer sa lutte pour l’unité nationale en construisant la "Route de l’Unité" qui reliera le Niger oriental au reste du pays et en finançant la flotte fluviale qui permettra au Niger d’accéder à la mer.
Le président Diori pense que la politique des pays industrialisés envers les pays sous-développés est à courte vue : "Comment peut-il en être autrement quand le prix de la jeep lunaire américaine représente douze fois le budget du Niger", a-t-il dit en relevant en même temps la hausse continuelle des prix des produits manufacturés.
Le discours du président Pompidou, à son arrivée à l’aéroport de Niamey, a , semble-t-il, beaucoup plu au président Diori Hamani du Niger. L’hommage "à la politique étrangère originale et personnelle" de M. Diori, ainsi que l’accent mis sur le fait que la France soutenait sa politique de diversification...étaient précisément ce que le leader nigérien voulait entendre...
Le président Diori est, sur tous les plans, une figure exceptionnelle, non seulement au Niger, mais sur le continent africain dans son ensemble..."


Zweites Deutsches Fernsehen

d’Albert E. Gaum :

C’est là plus qu’une simple visite officielle, c’est une visite de portée politique.
Le président Diori est un facteur de stabilité dans cette partie du monde, du fait que ses relations avec ses voisins arabes, l’Algérie et la Libye, sont aussi bonnes qu’avec les pays limitrophes de l’Afrique Noire proprement dite.
La France - et pas la France uniquement - a tout intérêt à la réussite de la politique d’indépendance et de conciliation menée par Diori.
L’irritation que font parfois paraître de hautes autorités françaises au sujet de la coopération du Niger avec des partenaires autres que la France - ce fut par exemple le cas pour l’aide technique apportée au Niger par la FRA - est mal accueillie dans le pays.
Pompidou est trop intelligent pour approuver ce genre de réactions post-colonialistes. Mais les Nigériens attendent maintenant de la France une intervention active et énergique auprès de ses voisins occidentaux pour les inciter à élargir leurs rapports économiques avec le Niger. C’est à cela que sera mesurée la réussite du voyage de Pompidou à Niamey.
Les Nigériens déplorent que Pompidou n’ait pas pris le temps d’aller voir de plus près l’intérieur du pays. La capitale Niamey, où il a séjourné pendant deux jours, ne permet pas d’imaginer à quel point un pays en voie de développement peut être pauvre et démuni, ni ce que signifie réellement pour lui l’aide au développement.
La ville d’Arlit est un exemple de ce qu’il est possible de réaliser dans le Tiers Monde pour peu qu’on le veuille bien. Ici, les nantis l’ont bien voulu - puisqu’on y trouve de l’uranium - pour les réserves stratégiques de la France."

Edité par EURAFOR PRESS. Pour le Centre d’Information du Niger, 13 bis, rue Laffite - PARIS-9e. Directeur de la Publication : Mme Maraval. Rédacteur en Chef : J. Baulin. Abonnement annuel : 50 francs. Imprimé par Abexpress, 72, rue du Château-d’Eau, Paris-10e.

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