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U-005-004-001 - NOTES - classeur U - Fonds d'archives Baulin

U-005-004-001

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14-03-75

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Les fluctuations du marché : pour d’ aucuns, ce devait être l’ écueil contre lequel échouerait le sommet de l’ OPEP. Au cours du conseil préparatoire, les ministres ont inversé le problème en donnant priorité au politique.

VERS UNE CHARTE
POLITIQUE
DE L’ OPEP


de nos envoyés spéciaux à Alger, Jean-Pierre Séréni et Jean-Claude Hazera


Il y a encore quelques semaines, une conférence de l’ Organisation des pays exportateurs de pétrole était moins impressionnante que le conseil d’ administration d’ une quelconque société... pétrolière. Une vingtaine de ministres et d’ experts s’ entassaient autour d’ une table dans la salle de réunion plutôt exiguë et enfumée de l’ OPEP au deuxième étage de l’ immeuble de la Texaco à Vienne.


Début mars, à Alger, changement de décor ! En quelques heures l’ aéroport de Dar el-Beida voit défiler une dizaine de chefs d’ Etat Principaux absents : le roi Fayçal, représenté par son frère, le prince Fahd ; le colonel Kaddafi, la Libye étant représentée par le commandant Jalloud, Premier ministre. Le chef d’ Etat nigérien n’ a pas fait non plus le voyage : c’ est chief Arikpo, ministre des affaires étrangères, qui dirigeait la délégation de Lagos. accueillis par le président Houari Boumedienne au son des hymnes nationaux sous les feux des cameramen du monde entier. Les abords du palais des Nations où se tient la première "conférence au sommet des pays membres de l’ OPEP" sont sillonnés de convois officiels, à une trentaine de kilomètres à l’ ouest d’ Alger. A elle seule, la délégation vénézuélienne compte plus de cent personnes. Monarchistes ou républicains, démocrates ou dictateurs, féodaux ou socialistes, ils sont dix à avoir fait le voyage d’ Alger. Pourquoi avoir pris la peine... et le risque de réunir des personnages aussi importants et aussi dissemblables au lieu et place des spécialistes distingués du Doctor Karl Luager Ring à Vienne ?


Sont-ils là pour sauver les meubles ? C’ est l’ idée que tout le monde a en tête et ils le savent. Depuis quelques semaines les signes se multiplient : les réservoirs sont pleins à ras bord, les tankers géants flânent sur la route de l’ Europe ou du Japon faute de clients. Les journaux du monde entier expliquent que la prédiction de Henry Kissinger et de ses experts est en train de se réaliser : n’ arrivant plus à vendre son pétrole, l’ OPEP va être obligée de baisser les prix qu’ elle a quintuplés au cours des derniers quinze mois. N’ est-elle pas déjà en train d’ accepter un manque à gagner puisqu’elle a gelé ses prix pour neuf mois jusqu’en septembre alors même que le pouvoir d’ achat du baril de pétrole est régulièrement rongé par l’ inflation et la baisse du dollar sur le marché des changes.


Il est bien évident que tout ceci préoccupe les pays membres. "La limitation de la consommation, la chute de toute évidence non contrariée du dollar américain, monnaie de règlement du pétrole, et la revalorisation arbitraire des réserves or des banques centrales, l’ inflation non contenue, sinon entretenue, et exportée par les pays industrialisés constituent les éléments d’ une panoplie de mesures qui concourent à la réduction de fait du prix réel du pétrole", constate le ministre algérien des affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika, devant un parterre de ministres réunis pour préparer le sommet des chefs d’ Etat.


Avant de venir à Alger, les ministres du pétrole en ont déjà parlé pendant trois jours à Vienne fin février. Ils ont même dressé la liste de tous les problèmes techniques qu’ il faudra régler au cours des prochains mois. La commission économique de l’ Organisation - que certains pays-membres souhaitent voir prendre de plus en plus d’ importance - a été chargée d’ étudier le remplacement du dollar comme monnaie de référence de l’ industrie du pétrole ne seront plus calculés en dollars à partir de juin prochain. Les experts de l’ OPEP n’ auront d’ ailleurs pas à chercher bien loin puisque, en 1972 et 1973, après les deux dévaluations successives du dollar, l’ OPEP avait déjà imposé aux compagnies un système d’ indexation monétaire des prix.


Mais, sur le principal défi que doit relever l’ OPEP, les ministres ont été beaucoup plus discrets. Le seul moyen d’ éviter l’ effondrement des cours et l’ éclatement de l’ OPEP prédit par les experts américains consiste à organiser une réduction concertée de la production à mesure que la demande diminue. En quinze ans d’ existence, l’ OPEP n’ est jamais parvenue à un véritable partage du marché. Certains pays, notamment le Venezuela, ont remis le sujet sur la table car ils estiment un peu dangereux que ces réductions soient commandées par le jeu incontrôlé des circonstances nationales et des compagnies pétrolières. Une fois de plus, les pays du Golfe ont manifesté leur répugnance pour tous les systèmes de programmation formelle et contraignante de la production. Mais leurs représentants laissaient entendre en même temps dans les couloirs de la conférence "qu’ il n’ y a pas de problème" : si la situation se dégradait, ils feraient le nécessaire.


Au demeurant, certains experts des émirats estiment qu’ il n’ y a pas lieu de s’ inquiéter vraiment. Leurs pays, disent-ils, sont assez satisfaits de pouvoir réduire raisonnablement leur production, ce qui leur évite de forcer leurs gisement. "Est-ce qu’ on peut dire que nous sommes forcés de réduire notre production parce que nous n’ exploitons pas nos gisements au rythme potentiel maximum qui les tuerait en quelques années ?", nous déclarait un membre de la délégation du Koweït.


"En cette période d’ inflation, un baril de pétrole conservé en terre constitue un meilleur placement que son prix en dollars investi sur n’ importe quelle place occidentale", remarquait de son côté l’ ancien secrétaire général de la CNUCED, Manuel Perez Guerrero, aujourd’hui ministre d’ Etat vénézuélien des relations économiques internationales.


De plus, bien que toute prévision précise soit fort difficile, la plupart des participants à la conférence étaient persuadés que la mévente de pétrole n’ aura qu’ un temps. La demande reprendra forcément à un moment ou à un autre avant l’ hiver prochain qui ne sera pas forcément aussi doux que celui-ci. "Plusieurs compagnies me demandent déjà d’ augmenter leurs enlèvements à partir de la fin de cet été", précisait un spécialiste du Golfe.


Quelles que soient ces confidences de techniciens, tous les problèmes techniques ont été soigneusement écartés du devant de la scène à Alger. Dès le début de la conférence, il était clairement annoncé que l’ on n’ en parlerait pas publiquement pour le moment. Pourquoi ? "Parce que nous voulons éviter tout ce qui pourrait ressembler à une attitude agressive de l’ OPEP", répondait en substance tous les participants à la conférence. "Nous avons des positions fermes et claires mais en aucun cas arrogantes", disait Manuel Perez Guerrero.


En fait, dans l’ esprit des principaux animateurs de ce premier sommet pétrolier, essentiellement l’ Algérie, le Venezuela et l’ Iran, le vrai "talon d’ Achille" de l’ OPEP n’ est pas économique mais politique. C’ est pourquoi les chefs d’ Etat se sont déplacés et c’ est ce dont ces trois pays se sont employés à persuader les autres pendant toute cette conférence. Il est moins grave de perdre un ou deux barils pendant quelques mois que de se retrouver complètement isolés sur le plan politique face à une opinion internationale persuadée que les pays pétroliers sont de "nouveaux riches" égoïstes économique du moment. Dans son discours Abdelaziz Bouteflika a dénoncé avec une particulière vigueur la "croisade" menée contre les pays de l’ OPEP et face à cette croisade, a-t-il dit aux autres ministres, l’ OPEP a deux atouts ; la sagesse et la modération dont elle doit faire preuve dans ses relations avec les pays industrialisés et la solidarité des autres pays du Tiers monde.


Pendant plusieurs mois, l’ OPEP a fait le "dos rond" devant les critiques en essayant de se fondre parmi les autres pays en voie de développement. Aux Nations unies, au Fonds monétaire international comme dans toutes les autres organisations internationales, chaque pays s’ est contenté de jouer son rôle dans son groupe régional sans que l’ OPEP apparaisse comme une entité politique. Mais cette tactique n’ a pas été payante. D’ après de récents sondages, plus de soixante Américains sur cent lui attribuent toutes leurs difficultés économiques.


Plus grave encore, ils risquent de se trouver coupés de leurs alliés, les autres pays du Tiers monde, au moment même où les pays industrialisés les invitent à négocier par la voix du président de la République française, Valéry Giscard d’ Estaing. Invitation que l’ OPEP peut difficilement repousser sans autre forme de procès sous peine de se voir soumise à des critiques encore plus acerbes.


Si des pays comme l’ Algérie ont clairement manifesté au cours des derniers mois leur ambition d’ être l’ avant-garde ou le "fer de lance" du Tiers monde, les autres n’ ont pas manifesté beaucoup d’ enthousiasme. "Pour que le fer de lance ait un sens il faut un manche derrière", faisait remarquer ironiquement un diplomate européen dans les couloirs de la conférence. Les pétitions de principe selon lesquelles l’ OPEP appartient naturellement au Tiers monde ne suffisent plus : l’ OPEP a autant besoin du Tiers monde que le Tiers monde a besoin de l’ OPEP.


Cette affirmation d’ apparence toute simple constitue le point fort de la Déclaration solennelle en trois chapitres et quatorze points , une sorte de charte soigneusement peaufinée pendant des heures par les ministres pour les chefs d’ Etat. Elle n’ était pas du tout évidente et il y a seulement quelques mois pour certains pays membres, en particulier l’ Arabie saoudite dont on cite toujours "l’ égoïsme national", le goût marqué pour les opérations purement bilatérales concentrées sur la coopération avec les Etats voisins. Pour persuader et impressionner les tenants de l’ "égoïsme sacré", les délégations algérienne et vénézuélienne se sont acharnées à faire la démonstration de l’ interdépendance. Elles ont notamment mis en avant la résolution adoptée en février à Dakar par les Soixante-dix-sept et ils ont même demandé au ministre sénégalais des finances, M. Babacar Ba, de venir exposer devant les chefs d’ Etat les principaux résultats de la conférence de Dakar.


L’ utilité politique de cette alliance avec les autres pays en voie de développement semble maintenant assez claire pour tout le monde. Au moment où l’ invitation de Valéry Giscard d’ Estaing à une conférence préparatoire le 7 avril à Paris a été connue à Alger, la plupart des délégations ont exprimé assez nettement leur opposition à toute formule de "table de négociations triangulaire" au profit d’ une "table rectangulaire". "Nous serons assis d’ un côté avec les autres pays en voie de développement en face de nos amis les pays industrialisés", disait quelque peu ironiquement l’ un des délégués. Même le ministre saoudien Yamani, qui serait le co-initiateur de la conférence sur l’ énergie avec Valéry Giscard d’ Estaing, soutient aujourd’hui qu’ elle doit traiter de toutes les matières premières.


C’ est d’ ailleurs là une condition nécessaire pour que le reste du Tiers monde soit intéressé à l’ opération. Pour éviter aussi que la question du pétrole ne soit abusivement isolée. Géant économique mais nain politique, l’ OPEP ne réussira sa mutation que si elle parvient effectivement à faire du pétrole le "levier" qui permettra à l’ ensemble du Tiers monde d’ exiger la prise en considération des revendications qu’ il présente depuis des années sans succès.

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