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B-049-003 - NOTES - Classeur B - Fonds d'archives Baulin

B-049-003

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  • Des interviews exclusives de Dja-Apharou ISSA IBRAHIM, ami et confident de Jacques Baulin, responsable par donation de l’intégralité des documents constituant le fond, et président de l’association sont actuellement publiées dans la rubrique présentation.

  • Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
    seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
    2009.
















VOYAGE EN COTE D’IVOIRE


Traduction d’un article de V. Katine
paru dans Novoyé Vrémia du 15.3.68


Je suis arrivé en Côte d’Ivoire non pas en tant qu’invité, mais comme un journaliste curieux. Cependant j’y ai partout été accueilli avec une hospitalité traditionnelle. J’ai rencontré des ministres et des chefs de tribus, j’ai été voir des bûcherons et des chasseurs d’antilopes, j’ai vécu parmi ceux qui procèdent à la récolte du cacao et du caoutchouc, j’ai assisté à des danses exécutées par des virtuoses à la lueur des feux de bois. Et j’ai été partout reçu avec une sincère bienveillance. Les gens s’efforçaient de me montrer et d’expliquer tout ce qui pouvait m’aider à comprendre leurs habitudes, leurs moeurs et la vie politique.


La ville dans la lagune


Dodo, un homme d’une quarantaine d’années, grand, au visage intelligent, est chef du Service d’Etat des photos-actualités. Je lui demandai de me faire visiter la ville. Il mit de côté ses dossiers de service et nous partîmes étudier Abidjan.


Notre excursion débuta à midi et nous ne nous séparâmes que le matin. Oui, le jour se levait déjà lorsque nous nous promenions dans les faubourgs de Treich-ville. Dans ce quartier portuaire de la ville vivent les travailleurs indigents, et c’est ici aussi que sont concentrés les cabarets de nuit les établissements de divertissements, les bars louches où les narcotiques sont vendus en sous-mains. Je m’étais préparé a faire la connaissance de la capitale de la Côte d’Ivoire : à Paris même, j’avais acheté des brochures que j’eus tout le temps de parcourir durant le long trajet en avion. De près, en regardant bien, Abidjan n’apparaît pas aussi brillante que sur les illustrations en couleur.


Nous sommes descendus de la voiture et nous avons avancé avec précaution le long du trottoir, nous efforçant de ne pas marcher sur les gens qui y dormaient. C’est ainsi qu’ils dorment côte à côte dans les gares, lorsque les trains ne passent pas. Dodo m’expliqua que les train passent ici régulièrement, que tous ces gens étaient venus chercher du travail et qu’ils n’avaient nulle part où loger. Des feux de bois fumaient. Je me glissai entre les dormeurs pour m’approcher du feu et observer comment on faisait cuire les bananes pelées. Dodo parla à la femme assise près du feu, mais elle ne le comprit pas, elle sourit et tendit la poële en nous invitant . . .


-Allons au port, dit mon compagnon. De là on voit le panorama de toute la ville . . .


Chemin faisant, Dodo commenta l’incident en expliquant pourquoi il n’avait pas pu se faire comprendre de sa compatriote. Le fait est que dans ce petit pays de quatre millions d’habitants, on parle près de soixante langes. Chaque tribu parle pratiquement sa propre langue, mais il n’existe pas de langue écrite. C’est pourquoi la formation d’une nation homogène dépend en grande partie de la solution des problèmes linguistiques. Le français est adopté comme langue officielle d’Etat, mais on usage ne s’étend pas encore au-delà des vielles. Les tribus des savanes et des jungles, tout comme il y a cent ans, parlent des langues incompréhensibles à des étrangers de la tribu. A part le français, qui a reçu pour mission d’unir ces peuples aux différents langages, les émissions de la radio se font en une douzaine de langues locales les plus répandues. En ce qui concerne les croyances, la population se divise en animistes qui vénèrent des objets et des animaux, en musulmans et en chrétiens de différentes églises. En dépit de toutes ces croyances et langues différentes, les gens d’ici sont unis par la couleur noire de la peau, par la similitude des traditions et du mode de vie, et par une destinée commune.


Nous entrâmes dans le port. De là on perçoit, parsemée de lagunes et reliée par les estocades de pont, la ville qui porte le nom de la tribu des pêcheurs abidjais. Je voudrais donner en quelques traits l’aspect que présente Abidjan. J’ai retenu dans ma mémoire les lagunes, les ponts et les gratte-ciel.


Cette ville relativement peu importante par sa population ( plus de 300. 000 habitants), est largement étendue. Les maisons distantes les unes des autres, séparées par de grands espaces. Les quartiers sont disposés régulièrement, comme sur un cahier quadrillé. La proximité de l’océan ajoute encore à cette sensation : les lagunes bleues et sinueuses s’enfoncent profondément dans la terre, elles ont rangé la côte comme du sel marin. Séparées les uns des autres par l’eau, les quartiers d’Abidjan sont reliés entre eux par des ponts-autostrades de 500 mètres de long. La nuit les ponts sont éclairés par des lampes au néon. Le centre est occupé par des gratte-ciel que ressemblent de loin à des étagères. Dans ces rayons-étages sont installées les filiales des sociétés étrangères internationales, des banques, des trusts, des cartels. Un peu à l’écart, dans le quartier aristocratique de Cocody, s’élève le bloc tout blanc de l’Hôtel Ivoire.


Au dessus de l’édifice de l’Assemblée Nationale, construit selon le dernier cri de la mode architecturale, flotte un drapeau tricolore. La bande orange représente les savanes brûlantes, la bande verte la forêt tropicale, et la bande blanche intermédiaire symbolise la paix et la concorde entre ces deux régions du pays. Le territoire de la Côte d’Ivoire a la forme d’un rectangle droit de 322. 000 km2. La zone côtière est la plus chaude et la plus humide. En deux saisons de pluies torrentielles - hiver et été - les météorologues comptent jusqu’à trois mètres de chutes.


La ville sur les lagunes est dotée d’un équipement moderne et possède les indispensables attributs de la civilisation matérielle. Les immeubles commerciaux et financiers sont monumentaux. Les vitres des fenêtres ne laissent pas passer la chaleur du jour afin que les locaux ne soient pas surchauffés. Les vitrines sont richement achalandées, on trouve des restaurants et des bars à chaque pas, les professeurs de danse. Par les enseignes et les drapeaux des ambassades, on peut apprendre la géographie - 43 consulats et représentations d’ Etats étrangers sont installés dans la capitale.


Les éléphants et la politique


Lorsque les conquérants français s’établirent dans cette région de l’Afrique Occidentale, ils furent frappés par le grand nombre d’éléphants qui circulaient librement dans les savanes et les forêts. C’était la fin du XIXe siècle, l’époque de la conquête précitée et du pillage de l’Afrique. Les Anglais occupèrent le pays voisin de la Côte d’Or (ainsi s’appelait le Ghana durant la période coloniale). L’autre Etat voisin, le Libéria, fut assimilé petit à petit par les Etats-Unis. Les Français se dépèchèrent d’accaparer le territoire situé entre le Ghana et le Libéria, qu’ils appelèrent la Côte d’Ivoire et en firent leur colonie en 1893.


En cette période, le pays formait une mosaïque d’Etats à structure tribale, hostiles les uns aux autres. La tâche des conquérants fut facilitée par la désunion de la population autochtone. Seul l’un des plus fort Etats, celui du roi Samori, put opposer une résistance énergique. Samori remporta une série de brillantes victoires dans ses batailles contre les colonisateurs, mais les forces étaient trop inégales. En 1898, les soldats de Samari furent battus, et lui-même fait prisonnier.


L’agitation et les révoltes continuèrent durant toute la période coloniale. La population se soulevait contre l’arbitraire, contre un régime qui lui était étranger, contre le travail forcé, introduits par les Français . Les colonisateurs obligèrent les africains à extraire de l’or à récolter la sève des plantes caoutchoutières, à fournir l’ivoire des éléphants. Puis il donnèrent l’ordre de cultiver le café et le cacao, plus tard les ananas, les bananes et les fruits tropicaux. Le dur labeur sur les plantations n’était payé que symboliquement, la récolte était offerte aux colonisateurs gratuitement. De curieuses inscriptions ont été conservées dans le livres de comptes de cette période. J’ai vu ces tables jaunies datant d’un demi-siècle.


Pour un mois de travail à la plantation, le noir a reçu de l’homme blanc un short . . . Même rétribution pour 15 kg de caoutchouc, pour une défense d’éléphant de 16 kg.


Le 7 août 1960, la Côte d’Ivoire accéda à l’indépendance ; Félix Houphouët Boigny fur nommé Président de la Nouvelle République et chef du gouvernement. C’est un médecin qui s’est occupé durant 15 ans de pratique médicale et qui s’est consacré ensuite aux activités politiques. Il fut élu député de l’Afrique Occidentale au Parlement français. Par la suite, il occupa même des postes ministériels au sein du gouvernement français, en particulier celui du Ministre de la Santé Publique. Houphouët - Boigny est également le dirigeant de la seule organisation politique du pays, fondée en 1945, le Parti Démocratique de la Cöte d’Ivoire.


. . . Les éléphants sauvages de couleur gris-clair, auxquels le pays doit son nom, n’ont pas encore disparu. Sauf dans des cas exceptionnels, il est défendu de tirer sur eux, et dans l’immense réserve de Bouna, la chasse est complètement interdite. Le petit éléphant sympathique est représenté sur les armoiries de la République, sur les marques des firmes commerciales. Les éléphants sont censés porter bonheur. Ont-ils vraiment apporté bonheur au peuple de ce pays où on les trouve en si grand nombre ?


Une tasse de café sur trois


A notre époque, les défenses d’éléphants n’intéressent que les antiquaires. Aujourd’hui personne ne s’occupe plus de ce métier.


La Côte d’Ivoire est l’un des principaux exportateurs africains de bois précieux tropicaux, elle occupe la seconde place au monde pour la culture des ananas, la 3ème pour la production de café et la 4ème pour celle du cacao. Ici, on extrait également le caoutchouc, l’or, les diamants, le manganèse. . .


Au Ministère du Plan, des travailleurs responsables, dont les passeports, à propos, portent la nationalité française, m’ont fait voir d’immenses tableaux, pareils à des écrans de cinéma, où la courbe de l’accroissement de la protection monte sans cesse.


Les affaires battent leur plein dans le pays. Les lignes aériennes pour Abidjan sont toujours surchargées, il est difficile de trouver des chambres libres dans les hôtels de la capitale, une file de bateaux est rangée en permanence dans le port, les constructions neuves s’élèvent dans les villes. Les marchandises sont chargées et déchargées, les délégations commerciales, les financiers, les hommes d’affaires arrivent et repartent en un mot le caroussel permanent du business . .


Sur les routes de la Côte d’Ivoire, j’ai vu souvent des transports d’immenses billes de bois rouge ou noir. J’ai été dans les forêts où poussent ces arbres dont la hauteur atteint 50 mètres. De pareils troncs pèsent des dizaines de tonnes. Les prospecteurs ont trouvé sur le territoire du pays plus de 200 espèces rares de bois. Les propriétaires d’une entreprise de scierie dans la ville d’Abouasso m’ont déclaré qu’ils avaient été forcés de cesser d’accepter des commandes nouvelles, du fait qu’ils ont accumulé des commandes pour toute une année à venir.


Les troncs, durs comme du silex, sont abattus à l’aide de vieilles haches, ils sont découpés par les scies électriques. On abat et on découpe jusqu’à 2 millions de m3 par an. Depuis l’année 1990, il a été abattu 8,3 millions d’hectares de forêts. Il est difficile de dire si les richesses forestières vont durer longtemps. Cela dépendra du rythme du déboisement.


Une tasse de café sur trois, et une tablette de chocolat sur quatre, consommées sur notre planète proviennent de ce pays. C’est une scène habituelle de la vie à la campagne : Les paysans trient à la main les grains de café non décortiquées de couleur rouge foncé, éparpillés au grand soleil. Le café n’est pas une boisson estimée ici, on boit surtout le vin de palme, pareil à un vin léger. Le café est vendu aux Société étrangères ; jusqu’à 300.000 tonnes par an. Prés d’un million et demi d’hommes, soit le tiers de la population du pays, sont occupés à la production du café. Mais les familles qui travaillent dans les plantations de café, vivent très modestement. Au cours des 5 dernières années, les prix du café ont baissé de 125 à 75 francs le kilo.


Les conditions climatique et du sol favorable, permettent de cultiver avec succès et à peu de frais, tous les produits tropicaux. J’ai vu des enseignes neuves de sociétés étrangères s’occupant de la culture du coton, des arachides, des plantes à caoutchouc, j’ai vu les bulldozers défricher les terrains pour de futures plantations. Les capitales ont misé gros sur la Côte d’Ivoire, on voit en ce pays un Eldorado africain.


Lumière et ombre


On écrit et on parle beaucoup de la Côte d’ivoire en Occident. On a tendance à présenter ce pays comme un exemple édifiant pour les autres pays africains, c e comme on donne parfois en classe en exemple l’élève le plus obéissant. Graduellement, l’opinion s’est assez largement répandue selon laquelle la Côte d’Ivoire connaît un essor économique, et même qu’elle est prospère. Essayons de comprendre objectivement et d’éclaircir une question primordiale, à savoir, le peuple de ce pays connaît-il vraiment la prospérité ?


L’essence de la politique économique poursuivie par le gouvernement après l’accès à l’indépendance consiste en ceci : entrée illimitée de tous les investissements de n’importe quel pays étranger. Il est inutile d’alourdir cet article par des chiffres des investissements qui arrivent à flots de l’Ancien et du Nouveau Monde en Côte d’Ivoire.


Au fait, on ne peut même pas suivre de pareilles données, car ces investissements augmentent de jour en jour. Au cours des dernières 7 années et demi le nombre des étrangers installés en Côte d’Ivoire, à triplé et continue de croître. Ici viennent des entrepreneurs de France, des Usa, de la RFA, d’Israël, du Portugal, du Pakistan, du Japon. Il se forme une couche à part d’hommes d’affaires habiles - qui ont été chassés des jeunes Etats africains et asiatiques. Ils possèdent l’expérience du travail dans les pays tropicaux, et, en général, de l’argent.


Les résultats de cette politique n’ont pas été longs à se manifester, en un court espace de temps de grandes quantités de capitaux privés se sont accumulées dans le pays, provenant du monde entier. En d’autres termes, la Côte d’Ivoire a choisi la voie de l’économie capitaliste, dirigée du dehors. J’ai trouvé un sentiment d’inquiétude à ce sujet dans l’opinion des intellectuels ivoiriens qu’il m’est arrivé d’entendre. Certains se consolent et consolent les autres avec l’idée que le gouvernement, après avoir encouragé l’entrée
d’investissements étrangers massifs, commencera graduellement à participer aux sociétés les plus rentables, achètera leurs actions pour en devenir un actionnaire. Ce chemin glissant très douteux doit soit-disant mener le pays vers la voie du capitalisme d’Etat.


Mais ce sont là des hypothèses. Je n’ai pas rencontré de notion précise sur l’avenir économique de la Côte d’Ivoire. En tous cas, on remarque un fait très étrange, dans le pays règne l’économie capitaliste. Mais la bourgeoisie n’y participe pratiquement pas, elle est très faible. La terre, le travail du peuple, les richesses minières et forestières sont vendues aux businessmen étrangers, ils sont mis à leur disposition pour emploi illimité et sans partage.


Mais ce sont là des hypothèses. Je n’ai pas rencontré de notion précise sur l’avenir économique de la Côte d’Ivoire. En tous cas, on remarque un fait très étrange, dans le pays règne l’économie capitaliste. Mais la bourgeoisie n’y participe pratiquement pas, elle est très faible. La terre, le travail du peuple, les richesses minières et forestières sont vendues aux businessmen étrangers, ils sont mis à leur disposition pour l’emploi illimité et sans partage.


Je n’exagère pas. Les allocations versées à l’Etat par les entreprises étrangères à titre de compensation font involontairement penser au short et aux règlement des comptes des colonisateurs avec les travailleurs autochtones il y a 1/2 siècle. Ces versements ne constituent en tout que 8% des bénéfices. Durant la période coloniale, il n’existait pas de possibilité de formation d’une bourgeoisie nationale ou de cadres autochtones d’administrateurs et d’économiques. Après l’accès à l’indépendance, la situation n’a presque pas changé. La petite bourgeoisie nationale n’est pas en mesure de relever la tête, elle est mise knock-out par la concurrence de quelque 400 grosses et 2. 000 moyennes et petites entreprises étrangères. Quant aux cadres nationaux, je me souviens de l’épisode suivant.


C’était une ruelle d’Abidjan qui n’avait rien de remarquable. Trois enfants venaient à ma rencontre, deux fillettes européennes et un garçonnet noir africain, ils marchaient ensemble en bavardant. Le garçon portait à chaque main un cartable d’écolier, et les fillettes ne portaient rien. Le groupe arriva à l’entrée de l’école, les fillettes ne prirent leurs cartables et entrèrent en classe. Le garçon revint sur ses pas. Plus tard, j’ appris que dans les familles françaises installées en Côte d’Ivoire, ils ont l’habitude d’engager des adolescents noirs au service de leurs enfants.


Cet épisode a été pris sur le vif, il n’y a encore que 42% de la jeune génération qui aille le matin à l’école. Les autres n’ont droit, au meilleur des cas, qu’à une promenade de la maison d’autrui à l’école d’autrui.


J’ai été dans des villages situés non loin de la capitale, et que notre époque n’a pas encore touché. Dans ces localités, on ignore ce qu’est la médecine, les journaux, le cinéma, l’électricité.


En dépit des records mondiaux de production de certaines marchandises, l’économie de la Côte d’Ivoire porte un caractère de dépendance coloniale. Dépendance avant tout des prix des marchés mondiaux.


Il ne fait pas de doute que les récoltes de café, la cueillette des noix de cola, de caoutchouc, l’extraction des diamants, l’exportation des bois rouges, sont en régression. Mais les problèmes de l’instruction, de la santé publique, du relèvement du niveau de vie, sont loin d’être résolus. La vie a peu changé au delà de la capitale depuis le jour où la Côte d’Ivoire a eu ses propres armoiries et son hymne. La croissance de l’économie s’accomplit ici sans progrès de la société, sans son développement harmonieux.


En Afrique il y a des pays qui se sont engagés dans la voie non capitaliste de développement. Certains d’entre eux éprouvent actuellement des difficultés provisoires de croissance, de réorganisation du mode de vie séculaire. Mais les peuples de ces pays ont une notion précise de leur avenir, ils ont foi en leur but, ils voient des horizons, ils savent vers quoi tendent leurs efforts. En Côte d’Ivoire, il n’existe pas d’orientation vers une perspective. Je ne fais pas de découverte - à Abidjan les gens le savent et en parlent à haute voix.


Palais et huttes


A Abidjan même lorsqu’il ne pleut pas, il fait humide, bien qu’il ne fasse pas très chaud. Il semble qu’au lieu d’air, on avale du thé tiède et que le corps est couvert de compresses. Mais imaginez que d’une étuve étouffante vous plongiez soudain dans un tas de neige. Pour cela il vous suffit de pousser la porte d’un bon bar ou d’un café et vous vous trouvez dans un local frais ou même froid. Bien entendu, on vous tait payer pour ce climat artificiel un tarif très élevé. Mais en Côte d’Ivoire, il y a non seulement des étrangers, mais des autochtones riches qui peuvent s’offrir toute la journée un luxe pareil.


Il s’est formé à Abidjan, une mince couche de privilégiés. Avec la naissance de la République, il s’est détaché un groupe de hauts fonctionnaires, l’élite administrative. En général ils ont reçu leur instruction à la Sorbonne. Nombreux sont ceux qui ont épousé des Françaises. Dans un pays arriéré où tout homme instruit est considéré, ces gens reçoivent vite des postes de commande. A l’heure actuelle, les hommes d’Etat compétents posent la question de former des cadres nationaux en Afrique sans les détacher des conditions locales.


Les conditions locales. . Je regarde la grande carte jaune et verte de la Côte d’Ivoire et à chaque signe topographique, je vois en nature ces conditions locales. Voici le filet bleu de la rivière Bia. Ici nous avons navigué dans des pirogues, creusées comme des auges à même le tronc. Une fois, débarquant de la pirogue sur la berge, je voulus monter sur une poutre qui apparaissait sur

l’eau. On m’arrêta à temps.. c’était un crocodile. Et voici la localité de Babako, où nous sommes tombés sur un repas funéraire pour le chef de la tribu, et où durant deux jours nous avons festoyé, regardé des danses et écouté les tam-tams. Ils ne nous laissèrent partir que lorsque le corps du chef fut enterré dans sa propre hutte.. Au village d’Enski, nous avons voulu acheter des ananas sur la place du marché, mais l’argent n’a pas cours ici ; les habitants échangent leurs produits sans avoir recours à l’argent. Comme nous n’avions rien à offrir en échange, ils nous offrirent les ananas et refusèrent de prendre l’argent.


La vie, en Côte d’Ivoire, est un mélange des temps reculés et d’innovations inattendues. L’avenir montrera où mène l’expérience de la Côte d’Ivoire.

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