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U-003-119 - NOTES - classeur U - Fonds d'archives Baulin

U-003-119

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  • Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
    seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
    2009.
















- LE MONDE - 11 mai 1977

ENQUÊTE
La course au nucléaire


(Suite de la première page.)


" Jamais l’énergie nucléaire n’a été aussi nécessaire qu’aujourd’hui " , a affirmé à Salzbourg, le 2 mai, M. Lantzke, directeur de l’ Agence internationale de l’énergie . Jamais non plus une telle crise de confiance n’a affecté le nucléaire. On n’en veut pour preuve que les multiples actions qui se déroulent depuis plusieurs mois : manifestation violente à Brokdorf près de Hambourg en R.F.A., protestations à Flamanville ou à Creys-Malville en France, pétition à Soria près de Madrid en Espagne, actions judiciaires fréquentes aux États-Unis, doléances présentées par la population en Lombardie ; sans parler des résultats des élections en Suède, l’an passé, qui ont été affectés par l’irruption de l’énergie nucléaire dans le débat politique.


Presque tous les gouvernements décontenancés par cette levée de boucliers, ont remis en cause des programmes jugés excessifs. M. Lantzke a précisé, à Salzbourg, que si les prévisions de l’ O.C.D.E., en novembre 1976, faisaient état pour l’ensemble des pays membres, en 1985, d’une capacité nucléaire de l’ordre de 325 gigawatts. 1 gigawatt : 1 milliard de watts Six mois plus tard, en avril, ces estimations ont été ramenées à 253 GW. Ce qui signifie qu’il faudra importer deux millions de barils de pétrole supplémentaires chaque jour à cette époque.


Le ralentissement est quasi général, tant dans les pays fortement dépendants énergétiquement (Japon, Italie, Espagne et France, notamment) que dans ceux qui disposent sur leurs territoires de ressources abondantes (États-Unis, Grande-Bretagne). En Union soviétique même, le nucléaire qui devait, en vertu du neuvième plan quinquennal, fournir 8 % de l’électricité en 1975, n’a pas dépassé 2 %.


Le Japon, qui envisageait d’installer 35 000 MW pour 1985, ne parle plus que de 25 000 MW et n’a commandé qu’une seule centrale en 1976. L’ Espagne, qui projetait de posséder douze unités en 1980, n’a pas conclu avec Westinghouse - la société américaine détentrice de la licence des réacteurs à eau légère pressurisée P.W.R. Presurised Water Reactor utilise l’eau comme modérateur et comme liquide de refroidissement et fonctionne à l’uranium légèrement enrichi. les contrats prévus pour 1976. L’ Italie qui tablait sur vingt centrales en 1985, voit son Parlement discuter actuellement le chiffre de douze réacteurs. La Suisse a éprouvé quelques difficultés à obtenir des sites pour installer ses centrales et le canton de Genève pourrait procéder à un référendum pour connaitre les sentiments de sa population. En Belgique, il ne manque pas d’hommes politiques pour préconiser un moratoire de trois ans. Et si une telle solution n’a finalement pas été adoptée en Suède, les autorisations de construire des centrale ne sont plus délivrées qu’au compte-gouttes. En Norvège enfin, où l’énergie hydraulique couvre 99 % des besoins nationaux, et où le pétrole est de plus en plus abondant, la décision de recourir au nucléaire a été différée.


En France même on est revenu sur l’un des programmes les plus ambitieux d’ Occident. Commencé indutriellement en 1971, le programme français prévoyait d’installer 8 000 MW en cinq ans. L’année suivante ces objectifs étaient portés à 13 000 MW. Après la crise pétrolière, le 6 mars 1976, l’ E.D.F. était autorisée à commander six tranches de 900 MW pour 1974 et sept tranches en 1976. Pour les cinq années suivantes, l’investissement de l’entreprise nationale devait s’élever à 70 milliards de francs pour la mise en place de 6 000 MW par an. Un tel programme devait faire passer la part de l’électricité d’origine nucléaire de 8,3 % en 1975 à 68 % en 1985. Or malgré la volonté réitérée de M. Giscard d’ Estaing de poursuivre au rythme initialement prévu cette politique gaullienne d’indépendance energétique relative, " une légère inflexion " selon l’expression du délégué général, M. Mentré l’a ramené à 5 000 MW par an ; la commission P.E.O.N. (production d’électricité d’origine nucléaire) pourrait prochainement recommander de se contenter de 4 000 MW.


Cette remise en cause ne touche pas que le nucléaire. Aux États-Unis au Japon, voire en République fédérale plusieurs centrales thermiques classiques sont elle aussi retardées. Le charbon est lui aussi fortement contesté par les écologistes. Mais les questions posées par le nucléaire risquent d’obérer son avenir ; comme elles peuvent amener à en maitriser mieux tous les effets.


Une baisse de la consommation d’énergie


La révision des programmes nucléaires a souvent une cause économique. La récession de 1975 a obligé la plupart des pays à adapter leurs objectifs. Entre 1960 et 1973, les besoins totaux d’énergie de l’ O.C.D.E. ont augmenté en moyenne de 5,1 % par an. En 1974 et 1975, la consommation a accusé un léger recul. En 1976, une certaine reprise a été constatée, mais les prévisions de croissance annuele ne dépassent pas 3,6 %.


Les coûts croissants des centrales ont aussi porté atteinte aux programmes ; la hausse des coûts de construction et des taux d’intérêt, l’alourdissement des mesures et des contrôles de sécurité, les révisions budgétaires après la crise et aussi l’allongement des durées de construction en sont responsables. (Et, dans la mesure où jouent les effets de série, plus, les programmes seront ralentis plus les coûts croitront). Qu’un simple générateur de vapeur fuie au Japon et immédiatement la centrale est arrétée. Aux États-Unis, le moindre défaut sur des circuits annexes oblige à réviser toutes les centrales du même type. La durée totale de réalisation d’un projet d’installation de réacteur qui était de onze ans en 1971 est désormais de douze ans et huit semaines en moyenne. Quant à la France, la sécurité y est aussi " responsable " des délais de covergence de Fessenheim I (plus de vingt mois de retard).


Même si la filière à uranium enrichi et eau pressurisée (P.W.R.) représente actuellement 45 % de la puissance installée dans le monde, aucun réacteur, d’autre part, ne s’est imposé définitivement sur le marché. Chacun a ses avantages et ses défauts. Sans mettre en cause la sûreté du nucléaire, il faut bien admettre que l’industrie en est à ses premiers pas. L’âge moyen du parc nucléaire mondial ne dépasse pas cinq ans ; il est de deux ans pour les unités de 1 000 MW. Rien d’étonnant donc à ce que les diverses filières soient perfectibles. Les réacteurs à eau bouillante (B.W.R.) qui représentent pourtant 33 % du parc actuel, ont par exemple, selon les spécialistes, un problème de vibration des structures internes du coeur qui n’a pu encore être résolu.


C’est souvent l’opposition croissante des populations qui, cependant, a joué un rôle déterminant. Partout elle se fonde sur les mêmes craintes qu’éveillent les déchets et la prolifération.


L’immersion ou l’enfouissement à faible profondeur des déchets à faible radioactivité comme le stockage dans des couches géologiques stables de ceux qui présentent une haute activité ne sont pas spécialement satisfaisants. L’accumulation de ces déchets dans les années à venir exigerait une solution que les chercheurs ne sont pas certains d’avoir trouvée. La prolifération inquiète d’autant plus que le marketing nucléaire de certains pays est de plus en plus agressif. L’explosion d’une bombe indienne grâce au plutonium obtenu d’un réacteur canadien a montré le glissement possible de l’utilisation civile à l’utilisation militaire. Le gel du retraitement et des surrégénérateurs (créateurs de plutonium) décidé récemment par le président Carter - même s’il irrite les Français, très avancés technologiquement dans ces deux secteurs, - ajouté à la promesse de fournir de l’uranium enrichi, a l’avantage de mieux séparer les utilisations civiles et militaires de l’atome. Encore y a-t-il contradiction à développer à outrance la centrifugation, qui est elle-même très proliférante.


La dépendance politique


Un dernier argument, enfin, a pu jouer pour certains pays. C’est celui de la dépendance politique. A l’ Est comme à l’ Ouest, les Deux Grands ont une place prépondérante. C’est l’ U.R.S.S. qui a construit l’ensemble des centrales des pays socialistes, et qui leur fournit l’uranium enrichi. Pour les pays occidentaux, que l’on suive le cycle du combustible et à chaque étape on retrouve la prééminence technique américaine. Soixante-dix pour cent de la production occidentale de l’uranium provient des États-Unis, du Canada ou de l’ Australie. Mais ces deux derniers pays hésitent sur la politique à suivre (les négociations entre le Canada et la C.E.E. s’éternisent, et l’ Australie doit faire face à une opinion publique qui a manifesté son opposition à l’exploitation du minerai).


Jusqu’en 1973, l’enrichissement de l’uranium était aussi l’apanage des Deux Grands. C’est ce qui a poussé la France et d’autres pays à conclure des contrats avec l’ U.R.S.S. et cinq pays ( Belgique, Espagne, Italie, Iran et France) à s’associer pour construire une usine de séparation isotopique (Eurodif) au Tricastin et à envisager d’ores et déjà la construction d’une seconde usine.


Prés de 70 % du parc nucléaire actuel a été construit sous licence américaine. Enfin, les États-Unis disposent aussi de surrégénérateurs et de capacités de retraitement (même s’ils reviennet actuellement en arrière dans ces domaines).


Détenant 6 % de l’uranium mondial ( 3 % sur son territoire et 3 % au Gabon ), ayant l’espoir d’avoir une fillière " francisée " en 1982 et de disposer d’uranium enrichi dés 1980 pouvant compter sur le surrégénérateur Superphénix, et sur l’usine de retraitement de la Hague (qui semble actuellement avoir quelques ennuis), la France est indépendante. Mais combien de pays sont-ils à la merci des États-Unis et des contrats draconiens de livraison d’uranium enrichi qui permettent au fournisseur d’opérer des contrôles, d’interdire toute exportation ?


Toutes ces raisons justifient la pause actuelle. Peuvent-elles remettre en cause l’avenir même de l’énergie nucléaire ? A court terme, c’est peu probable.


La loudeur des structures indutrielles mises en place par les pays occidentaux pour conforter leur position dans la course au nucléaire (il n’est que de voir la rude concurrence à laquelle se livrent les sociétés canadiennes, allemandes, françaises et américaines à l’exportation) interdit tout arrêt brutal.


Si la réduction des prévisions de consommation d’énergie depuis deux ans a permis de réviser en baisse les programmes nucléaires, la volonté de la plupart des pays démunis de ressources propres de tendre à l’indépendance énergétique les amènera à reprendre la course. N’est-ce pas la C.G.T. qui, en France, assure que " le recours raisonable à l’énergie atomique est nécessaire à notre pays et, par là, nécessaire au maintien et à l’amélioration du niveau de vie de ses habitants " ?


Enfin, la forte demande d’énergie du tiers-monde - alliée parfois à des buts militaires moins avoués - la poussera inévitablement vers le nucléaire. Déjà de très nombreux pays ont pris contact, notamment, avec le Commissariat à l’énergie atomique français pour se préparer à l’acquisition d’un réacteur de recherche. Ce n’est qu’un premier pas.


A long terme, l’indécision reste totale. La volonté du président américain de faire succéder à l’ère du gaspillage celle de l’économie d’énergie peut boulverser las habitudes de consommation aux États-Unis. Et il est peu d’exemples que l’ Europe n’ait pas suivi l’ Amérique avec quelques années de retard. La Suède, elle aussi, veut réduire profondément sa demande intérieure d’énergie et tendre dans ce domaine vers la croissance zéro. Est-ce supportable par les populations ? Est-ce le seul moyen d’éviter la course au nucléaire ?


BRUNO DETHOMAS.


Prochain article :

LES AMÉRICAINS
MÈNENT LE TRAIN

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