29/5/77

De notre correspondant

Londres. - Le gouvernement britannique n’ est pas encore prêt à engager le pays dans une "économie du plutonium". Certes, les écologistes sont très loin de remporter une victoire totale, mais ils obtiennent tout au moins dans l’ immédiat une satisfaction substantielle, après l’ annonce, vendredi 27 mai, aux Communes de la décision gouvernementale d’ organiser une enquête publique avant que puisse être arrêté le principe de la construction d’ un réacteur surrégénérateur de taille commerciale (C.F.R., Commercial Fast Reactor).

M. Peter Shore, ministre de l’ environnement, est parvenu à cette conclusion après avoir étudié le rapport établi l’ an dernier par la commission royale d’ enquête sur la pollution industrielle, présidée par le physicien nucléaire Sir Brian Flowers.

A l’ encontre de la plupart des enquêtes publiques, celle qui sera consacrée au surrégénérateur comptera un caractère très large. Il ne s’ agira pas seulement de déterminer les répercussions immédiates que la construction d’ un tel réacteur pourrait avoir en tel ou tel point du territoire. C’ est le principe même de la politique à suivre dans le domaine de l’ énergie qui va être remis en cause. Selon M. Shore, il s’ agit là en effet de problèmes d’ un "caractère exceptionnel" ayant des implications "loin l’ avenir". Le ministre a durant le cours de le gouvernement publiera un Livre vert sur la politique énergétique afin de stimuler l’ indispensable débat au sein du public.

Depuis bien des mois, l’ Autorité de l’ énergie atomique pressait le gouvernement d’ entreprendre la construction d’ une première centrale surrégénératrice de 1300 MW près de la station expérimentale de 250 MW déjà installée à Dounreay, dans le nord de l’ Ecosse. Toute décision dans ce domaine est maintenant ajournée pour une durée indéterminée.

Le rapport Flowers n’ avait certes pas condamné de façon absolue le recours à une politique énergétique fondée sur le plutonium. Il avait cependant formulé de très sérieuses réserves touchant la sécurité de cette méthode, ses conséquences sur l’ environnement, les risques de prolifération nucléaire, et même les possibilités de terrorisme politique. Sa conclusion essentielle était que le gouvernement ne devrait pas s’ avancer plus loin sur cette voie avant une très large discussion.

Il est probable que si les autorités londoniennes se sont senties en mesure d’ adopter les conseils de prudence donnés par Sir Brian Flowers et ses collègues, elles le doivent au fait que, grâce au pétrole de la mer du Nord notamment, le problème des sources futures d’ énergie se pose de façon un peu moins aiguë en Grande-Bretagne que dans la plupart des autres pays industrialisés.