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U-005-016 - NOTES - classeur U - Fonds d'archives Baulin

U-005-016

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  • Les trois ouvrages de J. Baulin : Conseiller du président Diori, La politique africaine d’Houphouët-Boigny et La politique intérieure d’Houphouët-Boigny
    seront disponibles sur le site en version iBook et en version Pdf dès septembre
    2009.




















16 JUILLET 1975




POUR RÉDUIRE L’INFLUENCE AMÉRICAINE

Le Commissariat à l’énergie atomique entrerait dans Framatome


Un conseil interministériel restreint doit en principe trancher, à la fin de juillet, le dossier capital de la restructuration de l’industrie électronucléaire française. La France, qui s’apprête à ralentir son programme d’équipemennt nucléaire, doit-elle conserver ses deux constructeurs actuels (Framatome, filiale de Creusot-Loire et du groupe américain Westinghouse, dont elle exploite la licence : Sogerca, filiale de la C.G.E., qui applique les brevets du groupe américain General Electric) ? Ou bien a-t-elle intérêt, compte tenu des perspectives limitées de son marché, à ne conserver que le premier ?


Après des mots de contacts discrets, il apparaît que la seconde formule a les meilleures chances d’être retenue.
L’entrée du commissariat à l’énergie atomique dans Framatome (à concurrence du tiers du capital de cette dernière) permettrait aux pouvoirs publics de réduire l’influence de Westinghouse dans le principal constructeur français de centrales, de disposer désormais d’un droit de veto dans ce dernier et d’envisager l’abandon progressif des licences américaines.


En décembre 1973, M.Ambroise Roux, président de la C.G.E., pouvait annoncer avec satisfaction que son groupe avait enfin reçu commande de deux réacteurs nucléaires. Les partisans de la politique de diversification l’avaient emporté : la C.G.E. faisait son entrée sur le marché français des réacteurs , aux côtés de son concurrent Creusot-Loire.
A l’époque, la décision d’E.D.F. n’avait guère soulevé de remous.
Le gouvernement de M.Messmer venait d’annoncer une accélération de l’équipement nucléaire.


PHILIPPE LABARDE.


(Lire la suite page 19.)


LE MONDE - 16 juillet 1975 - Page 19

ET SOCIALE
ÉNERGIE

Le C.E.A. entre dans Framatome


(Suite de la première page.)


Il était apparu raisonnable de mettre en concurrence deux constructeurs utilisant des techniques différentes : l’emploi de l’eau "bouillante" par la C.G.E. , appliquant les brevets du groupe américain General Electric, et celui de l’eau "pressurisée", formule de Creusot-Loire, selon la licence d’une autre firme américaine, Westinghouse.


Les temps ont changé. Le programme nucléaire va être révisé en baisse : on ne parle plus aujourd’hui d’installer 6 000 ou 7 000 mégawatts d’origine nucléaire par an, mais seulement 4 500 à 5 500. Dès lors, il était logique de reconsidérer la politique de diversification.


Les adversaires de cette politique - de plus en plus nombreux dans l’administration - ne manquent pas d’arguments :

" Le marché national ne saurait suffire, disent-ils, à assurer un plan de charge convenable à deux groupes industriels. Plutôt que de répartir entre eux la penurie, avec tous les risques que cela comporte, il est préférable de ne conserver qu’un seul "champion", Framatome, qui a une expérience certaine et a fait des investissements considérables pour être en mesure de répondre aux commandes d’E.D.F."


Les pouvoirs publics ne pouvaient cependant se contenter d’offrir ainsi le monopole de la construction des réacteurs nucléaires à eau légère à Framatome. D’abord parce que la firme est sous contrôle étranger :
Westinghouse détient 45 % de son capital, et Creusot-Loire, qui en possède 51 %, est dirigé par le baron belge . Ensuite parce que l’occasion semblait bonne de parvenir à faire enfin collaborer à un projet commun tous ceux qui, en France, s’intéressent au nucléaire, plus particulièrement les industriels et le C.E.A. "Nous étions devant une situation absurde, explique un fonctionnaire. Chaque année, le C.E.A. dépense quelque 150 millions en recherches sur les réacteurs à eau légère : Framatome et Westinghouse ont également d’importants budgets de recherche, mais ces efforts n’ont jamais été mis en commun pour parvenir à constituer un groupe cohérent et puissant, présent à l’exportation. Il était nécessaire d’opérer un rapprochement."


Les négociations menées sous la houlette du ministère de l’industrie et de la recherche ont été longues et difficiles, ce qui ne surprendra personne, compte tenu des relations qu’entretenaient Creusot-Loire et le C.E.A.
Pourtant, les points de vue se sont rapprochés : Creusot-Loire, redoutant la poursuite de la politique de diversification, a compris qu’il ne pouvait exiger un monopole sans contrepartie : le C.E.A., pour sa part, a pris conscience du risque couru en se cantonnant dans un splendide isolement.


Le compromis


Un compromis a donc été élaboré :


Il prévoit une prise de participation de 33 ou 34 % du C.E.A. dans le capital de Framatome, la participation de Westinghouse diminuant d’autant ; les modalités pratiques de cette opération restent cependant à définir.


Pour éviter les "frottements" ou les querelles de compétences, un dossier a, par ailleurs, été établi, qui définit les rôles précis des partenaires. Creusot-Loire conserve le leadership industriel, mais s’engage à appuyer le C.E.A. dans ses travaux de "francisation" du réacteur pressurisé.


Ce schéma, s’il était accepté par le gouvernement, pénaliserait deux entreprises : la C.G.E., qui se verrait exclure du marché des réacteurs à eau légère, et la Compagnie électro-mécanique (C.E.M.), qui devait construire les turbo-alternateurs équipant le "bouillant". Pour remédier à cet état de choses, il pourrait être demandé à l’E.D.F. de mieux répartir les programmes de commandes de turbo-alternateurs entre Alsthom , filiale de C.G.E. - qui doit fournir les turbo-alternateurs de tous les réacteurs de Framatome - et C.E.M. En contrepartie, Creusot-Loire associerait Alsthom à des contrats conclus à l’exportation.


La contre-attaque de la C.G.E.


La C.G.E. , qui s’est sentie menacée, est passée à la contre-attaque. Ses dirigeants, convaincus que le maintien éventuel de l’ancienne politique de diversification passe par la mise en place d’un shéma industriel européen, ont entamé des négociations avec la société allemande Kraftwerkunion (K.W.U.), filiale commune de Siemens et d’A.E.G. Constituée en 1969 par les deux groupes allemands, qui y apportèrent leurs moyens industriels dans le secteur nucléaire, K.W.U. offre la particularité d’être la seule société européenne pouvant construire à la fois des chaudières de type "pressurisé" et de type "bouillant". Saluée à sa naissance par de grands transports d’enthousiasme, elle a connu, depuis, quelques malheurs financiers, au point que l’un de ses propriétaires, A.E.O., a laissé entendre qu’il était prêt à se retirer. Siemens avait donc besoin d’un nouvel allié. Ce pouvait être la C.G.E.


Les négociations entre Siemens et la C.G.E., menées depuis plusieurs mois, semblent avoir abouti récemment. Un accord serait sur le point d’être signé, prévoyant, outre la participation de la C.G.E. et de K.W.U. à la réalisation de chaudières des deux types ( "bouillant" et "pressurisé" ), l’étude et la construction en commun d’un réacteur "bouillant" de 1 000 mégawatts. En outre, des prises de participation croisées pourraient intervenir entre les deux groupes dans certaines filiales spécialisées.


Cette contre-attaque est fort adroite et vient à propos. La C.G.E., en offrant la possibilité d’un accord franco-allemand - et ce juste après l’"affaire" de la C.I.I., où le groupe de M.Roux avait cette fois joué la carte américaine - place le gouvernement français dans une situation délicate. Il lui faudra pourtant bien trancher lors du conseil restreint qui se tiendra à la fin de ce mois à l’Elysée, car les deux schémas apparaissent difficilement conciliables. Entériner le projet d’accord conclu entre Creusot-Loire et le C.F.A., c’est abandonner - du moins pour un temps - la diversification, donc rendre inutile le rapprochement K.W.U - C.G.E. Poursuivre la diversification, c’est à l’inverse risquer de donner à Creusot-Loire le sentiment d’avoir fait un marché de dupes et de le voir revenir sur ses engagements.


Que décidera la puissance publique ? Pour l’heure, les partisans de l’association Creusot-Loire- C.E.A. tiennent la corde. Leurs arguments sont solides : la formule permet de constituer un groupe rationnel et puissant, en même temps qu’elle facilite à terme la "sortie" de Westinghouse, ce qui permet d’échapper aux licences américaines...

L’entrée du C.E.A. avec la minorité de blocage permet en outre à la puissance publique de prendre pied dans un secteur déterminant pour l’avenir industriel du pays, secteur qui vit d’ailleurs de commandes publiques. Enfin, ce schéma n’exclut pas une collaboration franco-allemande à plus long terme, dans le secteur des réacteurs à haute température par exemple, ou dans celui des surrégénérateurs.


Bien des fonctionnaires et des industriels sont séduits. Le pouvoir politique doit dire s’il l’est également.


PHILIPPE LABARDE.

De l’utopie au réalisme


Six ans se seront écoulés entre l’abandon de la filière française graphite-gaz, en 1969, et l’adoption d’un projet concret visant à faire échapper progressivement le pays aux licences américaines, grâce auxquelles sont fabriqués les actuels réacteurs français à eau légère. Six ans pendant lesquels l’industrie française, essentiellement le groupe Framatome, aura réalisé, à la demande d’E.D.F., des centrales qui ne devaient rien à la technique française.


Le Commissariat à l’énergie atomique (C.E.A.) ne se consolait pourtant pas pendant ce temps de ne plus participer à la mise au point et à l’amélioration des réacteurs construits en France. Depuis 1971, il n’a cessé d’échafauder des rêves ambitieux et utopiques. Il imagina d’abord de lancer l’étude d’un réacteur à eau légère, qui ne doive rien à la technique américaine mais soit dérivé du petit réacteur à eau pressurisée réalise pour les sous-marins nucléaires. Une telle aventure aurait nécessité des années d’études.


Le C.E.A. envisagea ensuite de négocier un accord avec l’un des quatre constructeurs américains de centrales en apportant dans la corbeille de mariage ses connaissances et ses installations d’essai pour améliorer les réacteurs existants. Un accord était pratiquement conclu avec Babcock et Wilcox, quand ce dernier connut de graves difficultés en 1973.


Sans se décourager, le C.E.A. lança la troisième idée qu’il tenait en réserve : réaliser, comme maître d’oeuvre, un prototype de grande centrale (en collaboration avec un groupe industriel français allié à un constructeur américain) en apportant des améliorations substantielles au réacteur existant. Un tel prototype aurait ultérieurement donné naissance à une série de réacteurs commerciaux qu’E.D.F. aurait installés en France. Faite en 1974, au moment de l’accélération du programme nucléaire français, cette
proposition se heurta, comme les précédentes, à l’hostilité d’E.D.F et de Framatome qui redoutaient les délais d’une telle opération et rejetaient l’idée que le C.E.A. se transforme en constructeur de centrales. Le C.E.A. retira donc sa proposition, en se promettant toutefois de ne pas abandonner le projet.


Depuis des années le C.E.A. estime que les connaissances qu’il a accumulées sur les réacteurs à eau légère doivent lui permettre d’apporter une contribution significative à l’amélioration des centrales nucléaires existantes. D’une part, la division des applications militaires a réalisé avec succès les réacteurs de sous-marins : d’autre part, le centre de Cadarache termine la réalisation d’une chaudière nucléaire CAP (chaudière avancée prototype), dérivée des études militaires. Technicatome, société d’ingénierie, filiale du C.E.A., a pour sa part étudié sur le papier une série de petits réacteurs appelés CAS (chaudière avancée de série), destinés à la production de vapeur.


Enfin, et surtout, le C.E.A. a lancé, sous l’appellation de Champlain, un programme d’études portant sur seize problèmes particuliers aux centrales à eau légère d’aujourd’hui (cuve, enceinte étanche, pompe, éléments combustibles...). Environ cent cinquante personnes travaillent, à temps partiel ou complet, sur ce projet.


Le C.E.A. dépense chaque année environ 150 millions de francs sur les réacteurs à eau légère. En 1974, il a estimé venu le moment de passer des études et des prototypes au stade industriel. Cette idée
ayant elle aussi été rejetée, il tente aujourd’hui, avec plus de réalisme, de monnayer son acquis technique contre un accord de coopération avec Westinghouse et son entrée dans Framatome.


Deux arguments justifient cette nouvelle démarche :


Les réacteurs à eau légère seront encore construits pendant plusieurs dizaines d’années : ils évolueront (sécurité, environnement, standartisation).


Le C.E.A. aide déjà l’industrie et E.D.F. à réaliser les centrales sous licence et à faire des essais et des études complémentaires de sécurité.
Il serait normal d’utiliser ce potentiel pour franciser peu à peu les réacteurs actuels et dégager le pays des licences américaines, comme l’a fait, pour sa part, l’Allemagne. Ainsi verraient le jour, d’ici à plusieurs années, des réacteurs français de deuxième génération, réalisés en coopération avec l’industrie et avec l’aide de Westinghouse.


Mais l’indépendance ne sera vraiment acquise que si la principale société productrice des centrales n’a plus pour seuls actionnaires une société américaine et une société belge. En prenant une part du capital de Framatome, le C.E.A. serait ainsi le garant des intérêts nationaux.


La société Westinghouse a préféré les discussions avec la délégation à l’énergie et E.D.F., depuis le début de l’année plutôt que d’attendre la renégociation des accords de licence avec Framatome, qui expirent en 1962. Les dépenses annuelles de recherches du C.E.A. représentent les redevances que Westinghouse perçoit pour cinq à six réacteurs construits en France sous licence, et environ trois à quatre fois ce que cette société investit chaque année pour ses propres études.


Un accord prévoyant le libre échange des connaissances ne se ferait donc pas à son désavantage et éviterait une simple rupture avec son licencié dans les années à venir.
Chaque partenaire trouverait ainsi son avantage à l’accord. Il faudra seulement que le C.E.A. sache à l’avenir modérer ses ambitions techniques et industrielles. Ce qui ne sera peut-être pas si simple. Mais la solution envisagée aujourd’hui a, par rapport aux hypothèses précédentes, l’avantage de la simplicité et de la raison. - D.V.

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